Monsieur le président, je crois qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont, la pollution tue. C’est la deuxième cause de mortalité, ça représente 50 000 morts par an en France et ramené à notre territoire, cela représente environ 400 morts. La question est que faisons-nous pour éviter tous ces morts ? Nous avons évoqué pas mal de polluants et Maxime LE TEXIER le disait, la réalité c’est qu’aujourd’hui, nous devons déjà anticiper aussi la prise en compte de nouveaux polluants, comme ceux que l’ATMO a intégrés pas plus tard qu’hier, les particules ultra-fines. On voit là l’impact aussi de ces particules sur l’exposition de notre population, qui sont bien au-delà même des 8 000 habitants dont on parlait pour les autres polluants, mais bien 116 000, ce qui est énorme en termes d’exposition au-delà des seuils pour la santé. Mais on sait déjà, et plusieurs organismes le démontrent au niveau européen, que nous avons d’autres polluants, que nous n’avons pas encore analysés, qui impactent aussi la pollution de l’air, et on voit bien que, notamment les véhicules en soi, via les pneus, sont un sujet de pollution.

Cette ZFE, elle est importante bien sûr pour améliorer la qualité de l’air, mais aussi pour lutter contre le dérèglement climatique, puisque toutes les études montrent que les courbes de pollution et d’émission de gaz à effet de serre sont très liées. Alors nous avons du retard, cela a été dit, Toulouse a pris du retard par rapport à notre engagement. Nous ne pouvons que regretter que vous ayez attendu la pression, l’obligation, les condamnations, que vous avez rappelé, et je vous en remercie, qu’elles soient au niveau européen ou au niveau national, pour agir. Là où nous aurions pu, comme d’autres, déjà anticiper et agir dans le précédent mandat, et nous en avions parlé régulièrement dans nos séances. Alors l’ambition, quelle est-elle ? Thomas KARMANN le disait ce matin, on peut se réjouir en effet que vous ayez retenu le scénario le plus ambitieux parmi les trois qui ont été étudiés. C’est un élément positif mais, pour le reste, est-ce que nous sommes ambitieux sur la date d’engagement de cette ZFE ? Non puisque nous sommes en retard, je le disais, par rapport à d’autres métropoles : Paris qui a engagé dès 2015, Grenoble dès 2017, Strasbourg dès 2018, Lyon dès 2019, une ZFE. Nous, nous sommes déjà en retard par rapport à bien d’autres métropoles.

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes de périmètre ? Non puisque notre périmètre est réduit et il est réduit aussi par le fait que nous avons du retard sur le développement des transports en commun en ne prenant en compte que la ville centre, une partie de Tournefeuille et une rue de Colomiers, là où d’autres métropoles ont fait le choix de prendre des périmètres ambitieux de l’ensemble de leur métropole. C’est le cas de Grenoble et ses 27 communes, ou de Paris et des 48 communes autour. Et on sait, toutes les études le montrent, qu’un des leviers de l’efficacité de nos ZFE c’est le fait d’avoir un périmètre large.

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes d’horizon ? Non plus, puisque d’abord, cette ZFE s’inscrit à une échelle courte de quatre ans, 2020-2024, là où d’autres métropoles aussi ont pris des horizons beaucoup plus longs dans le temps de 10 ans, de 15 ans, et avec des objectifs aussi plus ambitieux, qui allaient jusqu’à la sortie du diesel ou la sortie de l’essence. C’est le cas de Paris qui prévoit la sortie du diesel en 2025 et de l’essence en 2030. C’est le cas de Grenoble qui prévoit la sortie du diesel pour les poids lourds en 2025 et pour le reste en 2030. C’est le cas de Strasbourg qui prévoit la sortie du diesel en 2025 pour la ville centre, et pour le reste de leur métropole en 2030. C’est le cas de Lyon, mais c’est en cours effectivement, ce n’est pas encore à l’œuvre, puisque la nouvelle équipe prévoit de revoir la ZFE pour prévoir un horizon de sortie du diesel en 2026.

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes d’alternative à la voiture individuelle ? Non puisque vous avez souhaité maintenir le Plan Mobilité actuel, qui avait déjà démontré le fait qu’il prévoyait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 9 %, une augmentation du trafic routier de 12 %, ce qui est absolument contradictoire avec les objectifs affichés de notre ZFE. Et en plus, un Plan Mobilité à 2030, dont l’essentiel des alternatives à la voiture individuelle sont constituées par cette fameuse troisième ligne de métro, dont maintenant nous savons qu’elle sera livrée, vous nous dites en 2028 aujourd’hui. Mais si vous dites 2028, quand nous, nous disions cela et que vous, vous disiez 2025, c’est que probablement on peut craindre que ce soit 2030, soit bien au-delà de 2024 qui est un horizon où la ZFE s’appliquera pour beaucoup de véhicules.

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes d’aides ? Nous regrettons qu’il y ait des aides partielles, des aides au changement de véhicule mais pas au changement de motorisation, or nous voyons que nous ne sommes pas obligés de toujours changer de véhicule mais on peut parfois n’avoir qu’à changer un moteur, c’est moins coûteux, notamment quand on a moins de revenus et il peut y avoir des aides pour cela. Et puis, il n’y a rien sur l’aspect de transition énergétique locale, c’est-à-dire comment on organise nous-mêmes un circuit de distribution énergétique pour de l’électricité verte et du biogaz ? Je vais y revenir puisque je voudrais maintenant faire des propositions, vous dites souvent que nous ne faisons pas de propositions.

Au lieu de voir la ZFE comme une contrainte, nous pourrions en faire une opportunité, l’opportunité d’un projet de territoire avec un horizon et des objectifs qui attaquent à la fois les questions de mobilité et d’énergie, ensemble. L’horizon, ce serait de prévoir une sortie du diesel en 2026 et une sortie du fossile en 2030, et donc d’aller au-delà de 2024 pour notre ZFE. Pourquoi c’est important ? Parce que si on veut réellement que l’ensemble des acteurs économiques et de la population prévoie en effet une évolution des mobilités à tous points de vue, que ce soit dans les alternatives à la voiture ou de la voiture quand on n’a pas le choix, il faut qu’on puisse voir vers où on se situe, avec 2024 comme horizon. Et sans ces objectifs de sortie diesel et fossile, on ne peut pas réellement transformer les mobilités. C’est aussi par l’arrêt de l’urbanisation sur les corridors exposés par les seuils de pollution. C’était une proposition et un engagement de campagne, nous pensons qu’il faut zéro construction nouvelle aujourd’hui le long des corridors qui dépassent les seuils de pollution. Il faudrait augmenter les aides, pas seulement pour le changement de véhicule comme vous le proposez, mais aussi pour aller vers le changement de motorisation, moins coûteux, et qui permet de ne pas être obligé de racheter forcément des nouvelles voitures.

Et c’est ce qui manque cruellement, un schéma de distribution et de production d’énergie avec maîtrise publique locale, qui nous permettrait de développer de l’électricité verte locale, et ça met aussi en mobilisation tous les acteurs des énergies renouvelables sur notre territoire. Même chose sur le biogaz parce que nous savons que nous pouvons avoir du biogaz local, c’est le cas de notre usine d’eaux usées et c’est déjà engagé, mais ça pourrait être le cas demain notamment sur une partie des déchets organiques. Donc l’enjeu, c’est aussi le bilan carbone de notre ZFE à travers ces propositions. C’est aussi l’organisation d’un centre de distribution urbain pour les livraisons du dernier kilomètre, pour faire en sorte que tous ceux qui font des livraisons aujourd’hui ne soient pas obligés de les gérer eux-mêmes mais fassent appel à des professionnels. Voilà ce qu’ont mis en place d’autres agglomérations.

Autour de la question du changement de mobilité des alternatives à la voiture, c’est bien évidemment revoir le Plan mobilité et là vous connaissez nos propositions : avoir un plan d’urgence de bus, travailler sur le RER métropolitain notamment, pour avoir des réponses dès aujourd’hui et pas dans dix ans. C’est complètement contradictoire de ne promettre des évolutions de l’offre de transport que dans dix ans quand on contraint d’ici quatre ans de devoir laisser sa voiture. Mais c’est aussi des offres du style : la prise en charge de l’abonnement aux transports en commun, de l’abonnement vélo, de l’autopartage, pour accompagner les changements de pratiques de mobilités, dans un objectif d’avoir moins de voitures, parce qu’en effet il ne suffit pas de dire qu’on parie sur le tout-voiture électrique qui pose bien des questions notamment sur la pollution des voitures par les pneus, qui est un vrai sujet aujourd’hui.

Nous sommes convaincus que si nous faisons cela, nous pourrons réellement embarquer l’ensemble de notre territoire, les acteurs économiques, la population, et que cela permettra à la fois d’être bon pour le climat, bon pour la santé, la qualité de l’air, bon pour l’emploi parce que toute cette organisation dont je parlais, y compris sur le plan énergétique, mobilise des emplois nouveaux, et bon pour le pouvoir de vivre de nos habitantes et habitants. Parce que, in fine, en se séparant de la voiture quand on le peut et en ayant des aides, non pas pour le changement de voiture mais pour le changement de motorisation moins coûteux, on utilisera des carburants qui sont bien moins chers et l’exemple de Grenoble est intéressant. Ils ont fait l’analyse que l’aide au changement de mobilité faisait gagner en pouvoir d’achat, que je préfère appeler « pouvoir de vivre », 8 millions d’euros par an aux habitants de leur territoire.

Nous voyons que la ZFE, ça peut être de la contrainte, voire des problèmes, et c’est un risque si on garde votre proposition actuelle. Mais ça peut être, sinon, un vrai projet qui embarque tout le territoire en étant bon pour le climat, bon pour l’emploi, bon pour la santé, bon pour le pouvoir de vivre de toutes et tous. D’abord, je n’ai pas parlé de la forêt de Bouconne, notre métropole est composée de 37 communes. Toutes les études montrent qu’il y a deux enjeux pour réussir la ZFE : le périmètre et le fait de se projeter plus loin que quelques années et donc d’être capable d’avoir comme horizon, par exemple, la sortie du diesel, parce que je veux revenir là-dessus également. Avoir un périmètre plus large permettrait d’avoir davantage de population concernée. Sur l’objectif de sortie du diesel, je n’ai jamais dit 2024. Justement, je ne suis pas sur des promesses intenables. J’ai parlé de 2026 pour le diesel, de 2030 pour l’essence, c’est-à-dire de l’inscrire dans le temps. Et oui, nous pouvons, à l’échelle d’un territoire, faire en sorte d’y arriver à travers toutes les aides, et je vous remercie pour la précision. Ce que je voulais ajouter, par rapport au changement de motorisation, c’est qu’il faut faire en sorte que ces aides complètent et qu’elles soient neutres pour ceux qui achètent ou qui changent de motorisation, selon les cas. Et nous pouvons être capables, en fonction des besoins en effet, de ne pas avoir une aide forcément fixe, mais qui fasse en sorte que ce soit neutre, notamment pour les particuliers. Les aides et le changement de motorisation vers l’électricité verte pour les voitures et le biogaz, notamment pour les camions, c’est ça le principal. Ça aura un effet considérable pour l’acceptabilité sociale dont tout le monde a parlé également. Pourquoi ? Parce que derrière, si au moment de l’achat, les aides ont été suffisantes entre l’État et les collectivités locales, en termes de coût c’est bien moins cher que le diesel et l’essence. Donc la sortie du diesel et de l’essence, c’est d’abord un objectif de gagner du pouvoir de vivre, à la fois pour la qualité de l’air et dans le pouvoir d’achat de nos habitants. Sur le PDU, vous avez du mal quand même à dire en quoi il était ambitieux. Vous citiez les Linéo, c’est très bien les Linéo. Nous les avons validés avec vous, c’est de l’amélioration de l’offre existante mais ce n’est en aucun cas une alternative pour celles et ceux qui ne disposent pas de transports en commun aujourd’hui. De la même manière que sur le vélo, nous sommes très en retard par rapport à d’autres métropoles, alors que ça pourrait être un mode de déplacement pour bien de nos habitantes et de nos habitants. Sur le PLUi-H, vous dites : « Nous réduisons la capacité de construction ». Mais le sujet aujourd’hui, ce n’est plus de réduire, c’est que cela devient criminel de continuer d’autoriser des constructions le long des corridors où on sait que la population est exposée à de la pollution. Nous ne pouvons plus l’accepter, notamment quand aujourd’hui on vote une ZFE. En résumé, je dirais qu’il y a des éléments positifs dans cette ZFE, ce sont les premières marches. De 2021 à 2024, ce sont les premières marches positives, mais il y a deux écueils, c’est le périmètre et le manque d’horizon. Au-delà de cela, les aides pourraient, à mon avis, être améliorées pour qu’elles soient plus efficaces et neutres pour nos habitantes et nos habitants. C’est aussi en effet tout ce que j’ai dit du circuit d’approvisionnement et de distribution de l’énergie sur lequel vous n’avez pas répondu. Je regrette que l’on ne se positionne pas là-dessus, parce que ça ferait vraiment de la ZFE une chance pour notre territoire de réussir l’objectif à tous points de vue, tout en développant aussi des circuits de distribution et d’approvisionnement vers de l’électricité verte et du biogaz. Je redis qu’on peut faire mieux, qu’il y a des premiers pas intéressants aujourd’hui, mais qu’il y a des objectifs qui manquent, qui pourraient nous faire rater tout l’intérêt d’une ZFE qui ne doit pas se limiter à un changement du parc de véhicules, mais qui doit bien à la fois gagner en qualité de l’air, en réduction d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en pouvoir de vivre et en emploi. Nous sommes convaincus que nous pouvons y arriver.