Vœu pour un développement urbain au service des villes, de toutes les villes

Vœu rapporté par Antoine MAURICE

Exposé des motifs

                Les métropoles sont perçues comme le moteur économique de notre pays et concentrent de fait nombre d’emplois et d’activités, attirant toujours plus de nouveaux habitants, de nouveaux investissements, des visiteurs supplémentaires. Cette attractivité est un fait et est aussi en partie le résultat de politiques publiques qui ont été menées à tous les échelons depuis plusieurs décennies et en particulier depuis les dernières évolutions institutionnelles renforçant le poids politique des grandes métropoles. Les métropoles concentrent les moyens budgétaires et le pouvoir décisionnaire alors qu’elles ne représentent que 29% de la population française et 6% du territoire. Cette hyper-métropolisation, symptôme d’un développement déséquilibré de notre territoire, peut toutefois avoir des conséquences sociales et environnementales importantes, tant dans les métropoles elles-mêmes que dans les autres territoires délaissés. Comme le disait M. Jean-Luc MOUDENC dans sa tribune « La France a besoin des villes, de toutes les villes » publiée dans Le Point du 19/11/2023[1]: « mettre le poids du destin de la France sur les épaules des métropoles fut à la fois naïf et contre-productif. »

La métropole toulousaine est particulièrement attractive sur le plan démographique, comme en témoignent les chiffres du dernier recensement. Pour autant, l’explosion des prix de l’immobilier ces dernières années rend notre métropole inhospitalière pour une partie croissante de la population, les classes moyennes devant s’éloigner toujours plus loin dans le périurbain pour pouvoir se loger décemment. Les fruits de la croissance ne sont dès lors plus partagés et celle-ci devient l’ennemie de la qualité urbaine, de la mixité sociale et de notre qualité de vie. Face à ces défis, il est urgent de faire évoluer notre modèle de développement urbain et de fixer un cap partagé, à rebours du laisser-faire actuel qui consiste à laisser les promoteurs immobiliers développer leurs projets sans cohérence d’ensemble, sans équipements publics et sans espaces verts associés. A Toulouse, plus qu’ailleurs, un nombre croissant d’habitants subissent les revers du développement urbain incontrôlé. Cette situation a d’ailleurs poussé le Maire de Toulouse à affirmer, lors de chacune de ses cérémonies de vœux aux habitants en janvier 2024 : « la métropole, oui, la mégalopole, non ! », parlant aussi de « croissance qualitative plutôt que quantitative », sans viser « la croissance pour la croissance ». 

Les intercommunalités ont depuis la loi « 3DS » la possibilité de se constituer en autorité organisatrice de l’habitat, statut qui leur offre des marges de manœuvre supplémentaires en matière de zonages de l’investissement locatif, de développement de l’offre de logement social dans les communes déficitaires et qui leur permet d’être parties prenantes des conventions d’utilité sociale signées entre les organismes HLM et l’Etat. Or, la loi impose de façon tout à fait logique que l’intercommunalité se soit au préalable dotée d’un PLUi-H. Toulouse Métropole ne dispose plus de ce document d’urbanisme puisque le PLUi-H approuvé en 2019 a été annulé par la justice pour surconsommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

                L’incapacité de Toulouse Métropole à se doter d’un PLUi-H compatible avec la réglementation aggrave le phénomène d’étalement urbain, qui génère une consommation importante d’espaces naturels, agricoles et forestiers et impose aux habitants d’effectuer des déplacements contraints, coûteux et pénibles, en majorité effectués en voiture individuelle. L’hyper-attractivité des métropoles se fait au prix du déclassement des villes petites et moyennes situées dans leur aire urbaine, qui subissent une baisse plus ou moins prononcée du nombre de résidents, d’emplois et d’activités. La structuration du territoire en zones géographiques spécialisées et éloignées les unes des autres, ici des zones pavillonnaires sans aucun commerce ni service de proximité, là une zone d’activité concentrant des milliers d’emplois, expose notre économie et nos concitoyens à de multiples risques. L’inflation et la crise énergétique en particulier pèse sur la capacité des habitants à se déplacer et à accéder à leurs lieux de travail, d’étude, de loisirs… Le sentiment d’éloignement qui résulte de ces difficultés est une bombe sociale à retardement.

                Pourtant, l’extension continue de l’aire d’attraction des métropoles avec son cortège d’impacts négatifs sur la vitalité des petites et moyennes villes n’est pas une fatalité. Certains Français font aujourd’hui le choix de se réinstaller dans ces territoires qui offrent un cadre de vie agréable, proche de la nature, avec des logements abordables et un lien social de proximité – à condition que la puissance publique accompagne le maintien et le développement des activités économique et des services publics sur place, en rupture avec la logique d’hyper-concentration et de spécialisation territoriale. Autour de Toulouse, les villes petites et moyennes ne manquent pas d’atout. Tarbes, Bagnères-de-Bigorre, Revel, Albi, Foix, Montauban… Ces « villes à une heure » cultivent chacune leurs pépites économiques, dans les domaines de la défense, de l’aéronautique, de l’agro-alimentaire, du tourisme, de l’enseignement supérieur. Une coopération renforcée entre ces territoires et Toulouse Métropole, qui pourrait prendre la forme d’un dialogue métropolitain qui a existé entre 2008 et 2014, serait salutaire pour construire ensemble un nouveau paradigme de développement respectueux de la singularité de chaque territoire, soucieux de la vitalité de chacune de nos villes, au service de tous nos habitants afin que chacune et chacun puisse résider, travailler et vivre au pays.

Par conséquent :

Article 1

Le Conseil de Toulouse Métropole s’engage à actualiser les scénarios démographiques pris en compte pour l’élaboration du futur PLUi-H afin de retenir des objectifs d’accueil réalistes au vu des dernières projections de l’INSEE et en phase avec les enjeux de lutte contre l’étalement urbain, de desserrement économique et de rééquilibrage territorial, probablement entre 7.000 et 8.000 habitants supplémentaires chaque année plutôt que de viser un objectif de + 9.000 habitants.

Article 2

Le Conseil de Toulouse Métropole interpelle la Région Occitanie, cheffe de file en matière d’aménagement, sur l’urgence à renforcer les objectifs régionaux de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et à mettre fin à l’étalement urbain dans les plus brefs délais à travers une déclinaison ambitieuse dans le SRADDET de l’objectif « zéro artificialisation nette » pour tous les territoires de la Région.

La Région a par ailleurs un rôle moteur à jouer afin d’assurer la coordination des territoires et de leur développement, afin de garantir l’attractivité, la qualité de vie et l’égalité dans chaque territoire de la région, dans une logique d’équilibre et de cohérence.

Article 3

Le Conseil de Toulouse Métropole appelle de ses vœux la mise en place de l’encadrement des loyers dans la commune de Toulouse afin de préserver le pouvoir de vivre des classes moyennes et limiter leur exode contraint vers les communes périurbaines.

Article 4

Le Conseil de Toulouse Métropole interpelle Tisséo, la Région et l’Etat sur l’urgence d’offrir des solutions de mobilité adaptées aux besoins de chaque territoire et compatibles avec l’urgence climatique. Une accélération des projets ferroviaires tels que le service express régional métropolitain semble indispensable tandis que l’utilité d’autres projets, dont l’autoroute A69 Toulouse-Castres, mérite d’être questionnée à l’aune des enjeux écologiques et de rééquilibrage territorial.

Article 5

Le Conseil de Toulouse Métropole s’engage à relancer une instance de dialogue métropolitain, dans une perspective de coopération équilibrée avec les « villes à une heure » dans les domaines de l’urbanisme, de l’aménagement, du développement économique, de l’alimentation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, du tourisme…


[1] Jean-Luc Moudenc : « La France a besoin des villes, de toutes les villes » (lepoint.fr)