Considérant la transformation profonde des habitudes de consommation durant la période de crise sanitaire depuis l’année 2020, en particulier lors des confinements successifs, et le nouvel attrait pour les services de livraison à domicile ;
Considérant que ce changement de comportement des consommateurs semble s’installer durablement, dans la continuité d’un recours croissant à l’usage d’internet pour faire ses achats ;
Considérant que des startups ont développé de nouveaux concepts de “quick commerces” – dark store pour la livraison de la petite épicerie et dark kitchen pour la livraison de plat à emporter – basés sur des nouvelles formules de distribution et de livraison ultra-rapides comprises entre 10 et 20 minutes pour des produits de consommation courante et de restauration ;
Considérant que, dans la suite de Paris et sa proche banlieue (où plus de 80 dark stores et 25 dark kitchens déjà installées selon le rapport de l’APUR (1)), notre Métropole toulousaine voit s’installer des commerces au concept similaire ;
Considérant que les conditions de travail de leurs employés et contractuels, autant en cuisine qu’en livraison, sont partout en Europe problématiques compte tenu des délais de livraison imposés. Ces conditions induisent d’une part, un haut niveau de stress et de prises de risque en cuisine ou sur le trajet de livraisons effectués sur des deux-roues et, d’autre part, une grande charge de travail en soirée et le week-end faisant parfois fi de plages de repos suffisantes accentuant les prises de risque ;
Considérant que ces entreprises s’appuient sur le modèle économique de l’ubérisation, favorisant le travail des clandestins et la précarité favorisant la déresponsabilisation vis-à-vis des pouvoirs publics et des habitants, profitant de vides juridiques,
Considérant l’arrêt du Conseil de Prud’hommes de Paris du 4 février 2020 requalifiant le contrat de prestation de services d’un livreur en contrat de travail et considérant la condamnation pénale, le 20 avril 2022, par le tribunal correctionnel de Paris, d’une plateforme et de ses dirigeants pour avoir employé en tant qu’indépendants des livreurs qui auraient dû être salariés.
Considérant, que l’utilisation de ces vides juridiques et du modèle proposé entraîne des dérives et nuisances multiples sur :
• les livraisons entrantes par camion (absence de places de livraison) ;
• le stationnement des deux-roues de livraison (idem) ;
les nuisances sonores pour le voisinage dues aux va-et-vient incessants des livraisons deux-roues
• les problèmes de sécurité (stationnement chaotique) ;
• la gestion des poubelles et nuisances olfactives en général ;
Considérant la nécessaire protection des linéaires commerciaux et la nécessaire sauvegarde de l’esthétique urbaine alors même que les villes de la Métropole mettent en œuvre des politiques ambitieuses pour revitaliser les centres-villes et les cœurs de quartier ;
Considérant que l’annonce récente de la Ville de Paris de fermer 45 dark stores entraîne déjà un phénomène de report d’installation de ces dark commerces dans les villes de petite couronne (Saint-Ouen et Boulogne-Billancourt) pour continuer à livrer les Parisiens et Parisiennes, provoquant ainsi une sorte d’externalisation des nuisances dont il faut protéger à terme les 36 autres communes de la Métropole toulousaine ;
Le Conseil de Toulouse Métropole, réuni le 23 juin 2022, préconise :
Article 1 : D’interpeller immédiatement, par l’intermédiaire de son président, Jean-Luc Moudenc, la nouvelle Assemblée Nationale, les sénatrices et sénateurs et d’alerter le gouvernement, dans la lignée du courrier de France Urbaine, sur la nécessité de d’encadrer l’exploitation des dark stores et dark kitchens avec notamment les axes suivants :
• Evolution de la législation sur les sous destinations « artisanat et commerce de détail » (articles R 151.27 et R 151.28) pour distinguer et protéger la restauration, le commerce et l’artisanat de proximité des activités industrielles de livraison des dark kitchen et dark store qui arrivent à se cacher sous ce statut via des guichets d’accueil clients (via par exemple la mise en place de critères de taille d’activité et de proportion d’accueil du public). Les activités à caractère majoritairement industriel devraient par exemple relever de la division 10 (Industries alimentaires) de la nomenclature NAF.
• Clarification des conventions collectives et règles applicables à ces activités (taux TVA notamment).
Sur la base des positions et propositions issues des Assises du Commerce, relancer le débat sur les modes de consommation et de distribution ainsi que sur les outils de régulation à la disposition des collectivités et qu’il fasse l’objet d’arbitrages clairs par la gouvernement et les collectivités
Rappeler le souhait d’une plus grande équité fiscale entre les opérateurs physiques et digitaux du commerce.
Article 2 : D’intégrer dans le nouveau PLUi-H des règles précises et contraignantes, afin de définir des zones zéro activité de dark stores et dark kitchens hors des zones adaptées, en veillant tout particulièrement à préserver la vitalité du commerce de proximité et à prévenir toute nuisance dont pourraient souffrir les habitants, dans le respect des règlements et législations existants.
Article 3 : De s’engager à initier une concertation avec les syndicats professionnels de commerçants, de professionnels de CHR (Cafés-Hôtels-Restaurants) et l’ensemble des
parties prenantes afin de co-construire cette stratégie relative à l’encadrement des dark stores et dark kitchens.
Article 4 : De lancer une démarche d’observation permettant d’identifier de nouvelles installations
Article 5 : De sensibiliser et d’inviter les plateformes de livraison à fournir à leurs employés des véhicules électriques