Monsieur le Maire, madame l’adjointe au Maire, chers collègues,
Vous soumettez aujourd’hui au conseil municipal une délibération relative au projet de renouvellement urbain du secteur Negreneys, que les toulousains sont nombreux à connaître sous le nom de « cité bleue ». Cet ensemble, construit dans les années 60, a subi une lente, mais inexorable dégradation des conditions de vie de ses riverains : à l’enclavement initial, s’est progressivement ajoutée la détérioration des bâtiments, la paupérisation des habitants, ou encore le développement d’une certaine économie souterraine. Ces éléments, nous le savons, constituent un cercle vicieux pour le devenir de trop nombreux quartiers de Toulouse.
Chers collègues, nos débats se déroulent ici dans le contexte de la politique de la ville. En effet, pour donner une seconde chance à la cité Negreneys, il a été décidé d’enclencher une opération de restructuration profonde du quartier. Les objectifs, fixés par l’Etat, sont connus. Restaurer, avant toute chose, l’égalité républicaine dans les quartiers les plus pauvres, au sein desquels l’économie de la drogue détruit tout. Et améliorer, prioritairement, les conditions de vie des habitants en s’attaquant aux inégalités scolaires, aux difficultés d’accès au soin, aux freins face à l’emploi.
Pour la cité Negreneys comme pour tous les quartiers prioritaires de la ville, je veux dire ici mon attachement, notre attachement à ces objectifs. Notre mission est de tout entreprendre pour rendre leur dignité aux habitants de nos quartiers, et singulièrement à ceux de la cité bleue.
Chers collègues, le projet de renouvellement urbain de la cité Negreneys qui a été soumis à la concertation s’appuie sur le principe, bien connu, de démolition-reconstruction. Il s’agit ainsi de démolir une partie des logements sociaux dégradés, pour construire à la place des logements privés, plus modernes, dont les typologies permettent d’introduire une forme de mixité sociale à l’échelle du quartier. Le projet vise également à développer l’offre de soin à l’échelle du secteur, ce qui constitue une perspective rassurante face à la lente instauration d’une forme de déserts médicaux au cœur même de notre ville.
Mixité sociale retrouvée, équipements publics renforcés, ouverture de la cité sur le reste du quartier, je ne peux que m’inscrire en soutien des principaux objectifs poursuivis au travers de ce projet de renouvellement urbain.
Toutefois, je veux attirer l’attention de notre conseil sur plusieurs sujets qui m’amènent à penser que nous pouvons, nous devons toujours faire mieux en matière de politique de la ville.
Comment ne pas évoquer, en premier lieu, l’enjeu primordial de maintien, de pérennisation, de renforcement même, des structures de lien social à l’échelle de la cité Negreneys ? Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un tissu associatif de proximité, qui contribue à l’animation, à l’établissement de pratiques de solidarité, ou encore de soutien scolaire à destination des habitants et de leurs enfants. A l’heure de la préparation des chantiers des démolitions, ces associations sont encore face à une incertitude quant à leur relogement. Il s’agit ici d’une faute, dont je m’émeus d’autant plus qu’elle met en péril l’opération dans son ensemble, qui est dès lors vécue comme brutale alors que rien ne devrait laisser à penser que le projet se fait contre les habitants. Je vous demande donc, monsieur le Maire, d’intervenir dans les plus brefs délais, et à l’appui de solutions pleinement satisfaisantes pour ces associations qui contribuent, aux cotés de la Mairie, au vivre ensemble dans cette cité.
A ce stade, et faute de garanties de votre part, nous ne pourrons que nous abstenir sur cette délibération relative à la cité Negreneys. Je veux par ailleurs partager avec vous une conviction, un engagement et un doute.
La conviction d’abord, c’est qu’il est juste de penser une ville mixte, qui ne pérennise ni d’ilots de pauvreté, ni d’ilots de richesse insolente dans notre ville. Cette conviction implique de mobiliser des moyens d’action qui peuvent être lourds : oui, il faut parfois démolir des logements devenus obsolètes. Oui, il faut construire au cœur de nos cités des logements neufs qui s’adressent aux classes moyennes, et contribuer ainsi à la mixité jusque dans les cours d’école. Oui, par parallélisme des formes, il faut également construire du logement social dans les quartiers les plus prisés de notre ville. Oui, il faut donc penser l’équilibre des « stratégies de peuplement », même si ce terme peut sembler froid.
Un engagement. Jamais Monsieur le Maire vous ne nous retrouverez du côté de ceux qui, bien souvent installés dans le confort bourgeois de leur quartier aiment à venter la douceur de vivre dans des quartiers ou c’est la douleur de vivre qui s’exprime pourtant, jamais vous ne nous trouverez du côté de ceux qui veulent finalement que rien ne bouge jamais pour mieux espérer que tout change un jour, jamais vous ne nous trouverez du côté de ceux qui accompagnent les minorités qui veulent que leurs enfants demeurent enfermés dans des écoles ou des collèges dans lesquels ils ne laisseraient jamais leurs enfants. Notre responsabilité est ailleurs et chaque fois qu’elle se présentera, nous l’assumerons.
Le doute, lui, concerne les conditions de relogement des habitants concernés par les démolitions. Nous le savons, les cités des années 50, 60 et 70 présentent bien des désagréments dans le quotidien des riverains, mais aussi quelques avantages qu’il serait malvenu de nier : grandes surfaces, loyers particulièrement modérés, et, dans le cas de la cité Negreneys, une localisation particulièrement enviable, en cœur de ville. Or, trop souvent, les propositions de relogement qui sont formulées à l’adresse des habitants viennent bouleverser leur quotidien : soit les logements présentent les mêmes caractéristiques, mais ils sont situés dans un autre quartier de politique de la ville, soit ils permettent d’inscrire les locataires dans un parcours résidentiel plus mixte, mais ils impliquent de revoir les loyers à la hausse, les surfaces à la baisse, ou encore de s’éloigner du cœur de ville. Il y a là, chers collègues, un certain impensé des politiques publiques : l’effort demandé aux populations relogées est souvent très élevé, ce qui s’inscrit en contradiction avec les objectifs principaux que nous poursuivons.
Face à ce constat, je ne peux m’empêcher de vous appeler, monsieur le Maire, chers collègues, à revoir les modalités de développement de la ville mixte à Toulouse.
• Nous vous demandons, monsieur le Maire, de supprimer les surfaces planchers en dessous desquelles les promoteurs sont exonérés de production de logements sociaux. Ce plancher est actuellement fixé à 2000 m², dans une large partie de la ville de Toulouse, et il permet de construire, chaque année, des dizaines d’immeubles qui se limitent à 1999 m², produisant à coup de 30 logements une ville à nouveau dépourvue de mixité sociale.
• Nous vous demandons, monsieur le Maire, d’enclencher sans délai l’encadrement des prix des logements, qui connaissent une véritable flambée dans notre ville. Nous disposons de nombreux leviers pour y parvenir, et en particulier du plafonnement des prix des. Je sais vos doutes, mais c’est à ce prix que nous pourrons continuer à accueillir les classes moyennes dans tous les quartiers de Toulouse.
• Nous vous demandons, monsieur le Maire, d’anticiper la construction d’équipements publics dans les quartiers que vous ouvrez à l’urbanisation : groupes scolaires, jardins publics, équipements sportifs, locaux associatifs, rien ne doit manquer lorsque la population d’un quartier augmente. Là encore, nous disposons de nombreux leviers pour faire contribuer les promoteurs immobiliers au financement de ces équipements, et l’instauration d’une taxe d’aménagement majorée ne saurait être la réponse à tous les besoins.
C’est là une des conditions de l’accueil, et de l’installation durable des familles dans notre ville. Monsieur le Maire, madame l’adjointe au Maire, chers collègues, vous l’aurez compris, la question de la qualité urbaine est au cœur de nos préoccupations. Aujourd’hui, à l’échelle de notre ville, le compte n’y est pas. Chaque projet urbain doit être l’occasion de revoir nos ambitions à la hausse. Chaque opération immobilière doit constituer une opportunité de repenser la fabrique de la ville. Attelez-vous à la tâche monsieur le Maire, il y a urgence.