Rapport développement durable de Toulouse Métropole – Antoine Maurice – Conseil du 4 février 2021

Monsieur le président, mesdames et messieurs les élus. Le rapport développement durable devrait être l’occasion, c’est comme ça que cela a été pensé par la loi, d’analyser l’ensemble de nos politiques publiques à l’aune de différents enjeux, celui de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, celui de la lutte contre le dérèglement climatique et la perte de biodiversité, l’enjeu d’éducation et de formation tout au long de la vie, l’enjeu de santé, avec notamment la question de l’alimentation, et enfin la participation citoyenne. Ainsi, chaque politique, chaque délégation, chaque service devrait analyser son action par le prisme de tous ces enjeux, pour voir de quelle manière nous pouvons progresser, dans un souci d’amélioration continue et de réussite dans l’ensemble de ces enjeux. Or aujourd’hui encore, et comme depuis tout le début du mandat précédent, ce rapport développement durable ne reste qu’un catalogue des actions engagées, et un catalogue de communication qui se satisfait essentiellement de ce qui est déjà posé et ne permet pas, on le verra tout à l’heure à travers le débat d’orientation budgétaire, d’être un éclairage utile pour progresser dans les objectifs de notre collectivité. Et je dois dire que, cette année, c’est même une régression à laquelle nous assistons, puisque les indicateurs présents dans le rapport développement durable, une cinquantaine, devraient être a minima au nombre de 83, puisque vous évoquiez 83 fiches. Et c’est même plus que ça, puisque chaque fiche a plusieurs indicateurs. Or, nous n’avons, dans ce rapport, que quelques indicateurs parmi ces 240 que nous devrions retrouver. Je constate, c’est ma première remarque, une absence de taille, celui de l’indicateur des émissions de gaz à effet de serre, qui a disparu. Dans les précédents rapports, nous avions pu voir que depuis 2014, ces émissions de gaz à effet de serre augmentent considérablement, passant de 2712 milliers de tonnes équivalent CO2 en 2014 à 3175 en 2018, ce qui représente une augmentation de +17%. Et je partirai de là. Vous le savez, hier, l’État a été condamné pour inaction climatique et non-respect des accords de Paris. Qu’en est-il de nos propres engagements, à Toulouse Métropole ? Notre Plan climat-air-énergie territorial, je vous le rappelle, s’engage à diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Aujourd’hui, nous n’avons pas le chiffre en 2019. Il ne suffit pas de casser le thermomètre pour empêcher la température d’augmenter, mais nous savons déjà que nous ne sommes pas du tout sur cette trajectoire, puisque de 2014 à 2018, nous étions à +17 %.

Je voudrais, sans passer en revue tous les axes, faire trois focus importants. Le premier est sur l’énergie. Dans ce rapport développement durable, on voit qu’il y a des actions menées en la matière, bien sûr, mais quand on regarde les chiffres bruts qui nous sont donnés, on voit bien que ce n’est pas du tout au niveau des enjeux. Un exemple : l’espace info biodéchets. En effet, le nombre de rendez-vous, de personnes touchées, augmente. Mais, par exemple en 2019, il y a eu 643 rendez-vous personnalisés, pour un territoire, je vous le rappelle, de 771 000 habitants. Le nombre de rénovations énergétiques qui sont dans ce rapport en 2019 : 1278 logements sociaux, 851 logements privés. C’est ridicule, ramené à l’ensemble des logements de notre territoire ! Donc on voit bien que l’impact de ces politiques est aujourd’hui minime, puisque les émissions de CO2 évitées sont de 2350 tonnes équivalent CO2, à comparer aux plus de 3100 milliers de tonnes équivalent CO2 aujourd’hui produites. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, nous sommes loin d’être au rendez-vous. Alors bien sûr, il y a des éléments positifs, vous les avez cités, notamment le réseau de chaleur urbain, des avancées qui vont dans le bon sens et que nous saluons avec vous. Mais on voit bien que nous devons aller bien plus loin et ne pas nous satisfaire par exemple d’une labellisation Cit’ergie où nous avons à peine atteint les 50 % minimum requis pour obtenir le label. L’enjeu aujourd’hui, c’est bien de progresser dans Cit’ergie vers ce qu’ils appellent le label Gold, qui nous permet de vraiment être au rendez-vous sur la planification territoriale, sur l’exemplarité de notre patrimoine, où nous sommes très faibles, sur l’approvisionnement en énergie, où là aussi, nous sommes en dessous de 50 % par rapport à cette grille d’analyse Cit’ergie, qui est un bon repère pour nous faire progresser. Et là aussi, nous voyons que nous pouvons aller plus loin dans l’accompagnement des communes, parce que le rapport le rappelle, il a fallu un mandat pour obtenir enfin le conseil en énergie partagé pour quelques communes de notre Métropole. Mais c’est bien peu par rapport à tout ce qu’on pourrait développer dans l’ensemble de nos territoires, et la Métropole doit être là pour les 37 communes, pour les aider à avancer, notamment sur ces enjeux de transition énergétique.

Le deuxième axe que je veux développer a trait aux mobilités qui représentent, je vous le rappelle, la moitié de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons parlé ce matin de l’annulation du PDU, qui effectivement ne peut pas nous réjouir. Monsieur le président, et c’est quand même dommage qu’un juriste comme vous interprétiez ainsi le jugement du tribunal administratif, qui, contrairement à ce que vous dites, n’a pas pris position sur le fond parce que tout irait bien dans ce PDU. Non, de par la loi et les règles juridiques applicables, il dit clairement et je cite textuellement : « Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’association est fondée à demander l’annulation du PDU. » Le PDU a été annulé pour une raison de forme, parce qu’il y avait préalablement un problème d’excès de pouvoir. Et donc le juge n’a pas eu besoin d’examiner les autres motifs de fond. Donc moi, je ne me permettrais pas comme vous le faites de dire que le fond va bien parce que le juge n’a pas eu à le traiter de par la loi. Le problème reste entier et la question, c’est de savoir si nous sommes au rendez-vous du développement des alternatives à la voiture individuelle ? Dans le rapport développement durable, les chiffres sont éclairants. L’augmentation des déplacements en transport en commun, à l’échelle du mandat précédent, c’est à peine 19 millions de déplacements supplémentaires, donc passer de 121 à 140, on voit bien que ça reste peu par rapport aux enjeux actuels de développement des transports en commun. Sur le covoiturage, on observe une faible augmentation, +1 parking entre 2018 et 2019. Mais savoir comment on incite au covoiturage, en le liant par exemple à des abonnements de transport en commun qui pourraient être réduits, voilà la question importante. Le vélo, nous en avons parlé, là aussi, les chiffres sont encore plus éclairants, le réseau cyclable n’a augmenté que de 7 km entre 2018 et 2019 et, à l’échelle du mandat, de 36 km seulement. Je vous rappelle les objectifs du schéma directeur cyclable métropolitain. C’est 1000 km de 2020 à 2030, soit une moyenne de 100 km par an, si on le ramène à l’année. En comparaison, en un mandat, en six ans donc, vous n’avez même pas réalisé 50 km de pistes cyclables. Pourtant, le rythme pour bâtir un vrai réseau cyclable digne de ce nom et qui permette de faire du vélo un déplacement quotidien, devrait être de 100 km par an. On voit là aussi le fossé entre les belles déclarations et les réalisations qui ne sont pas au rendez-vous pour proposer des alternatives à la voiture individuelle dans les déplacements du quotidien.

Dernier axe, la nature et l’agriculture. Là aussi, les rapports développement durable sont éclairants. Depuis 2014, chaque année, vous citez les mêmes projets agricoles qui ont été engagés ou réalisés dans le mandat précédent : la ferme de Salsas, les Izards, la zone des Quinze Sols. Ces projets-là ne sont pas nouveaux et ils n’ont pas vraiment avancé. Au mieux, ils sont toujours en cours de réalisation. Vous les reprenez, année après année mais il n’y a rien sur Pin-Balma, par exemple, qui était un projet ambitieux agricole, que nous menions avec la commune. Est-ce qu’il est abandonné ? Rien sur le développement de nouveaux projets de maraîchage, par exemple, tout le long de la Garonne, vers Fenouillet. Il n’y a aucun nouveau projet agricole, ça, c’est la réalité ! Et cela prouve que l’ambition d’autonomie alimentaire que nous souhaitons augmenter ne pourra jamais être réalisée si vous ne développez pas une véritable politique agricole pour une résilience alimentaire. Sur les parcs, là aussi, vous citez encore les mêmes sites. Je vous rappelle, Monsieur le président, que vous-même avez récemment annoncé que vous retardiez la réalisation du Parc Garonne, du projet de poumon vert du l’île du Ramier, qui restera, un mandat de plus, une jolie carte postale, sans concrétisation. Quant aux autres parcs, ils sont certes d’intérêt métropolitain, on peut s’en réjouir, mais quel sera celui réalisé dans ce mandat ? Ce sont aujourd’hui pour l’essentiel des autoroutes urbaines, le long du canal du Midi ou le long de l’Hers avec la rocade. Vous n’avez lancé que des études et vous n’avez donné aucun calendrier de réalisation de parcs qui soient réellement des espaces de respiration, des îlots de fraîcheur. Là aussi, au-delà des belles paroles, où sont les actes ? Et le pompon, c’est quand même de mettre le MEETT dans « nature en ville ». C’est un projet qui a artificialisé 20 hectares de sol agricole d’intérêt agronomique, qui n’ont pas du tout une vocation de « nature en ville », et je trouve vraiment choquant, disons-le, que vous l’intégriez dans ce chapitre alors que c’est justement un contre-exemple de ce qu’il conviendrait de faire aujourd’hui. Dernière remarque sur le PLUi-H. Il y a un premier programme aujourd’hui, mais l’enjeu demain, c’est bien de voir comment l’urbanisme et les transports en commun sont liés. On ne peut pas continuer à urbaniser des zones qui n’ont pas d’équipements publics, qui n’ont ni transports en commun ni pistes cyclables pour pouvoir se déplacer avec les mobilités de demain.

Donc en conclusion, on voit que ce rapport développement durable est un catalogue avec des actions positives, des actions assez anecdotiques aussi. Par les chiffres et indicateurs bruts qu’il contient, il témoigne que nous ne sommes pas aujourd’hui dans la trajectoire des accords de Paris, dans la trajectoire du Plan climat-air-énergie territorial. Et je crois que la condamnation récente de l’État pour inaction climatique devrait interpeller notre collectivité, Monsieur le président. Nous ne pouvons pas nous-mêmes continuer à développer des politiques qui augmentent les émissions de gaz à effet de serre, l’artificialisation des sols et qui ne répondent pas aux enjeux que nous avons brossés. Donc, nous, nous souhaitons que le rapport développement durable soit l’occasion de réorienter l’action de notre collectivité pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux. Je vous remercie.