Propos liminaire introductif – Isabelle Hardy – Conseil du 15 octobre 2020

Monsieur le président, chers collègues, j’interviens aujourd’hui au nom du groupe Métropole écologiste et citoyenne pour des territoires solidaires. Ce groupe est composé d’élus de Colomiers, Cugnaux, Toulouse et Tournefeuille, avec Michèle BLEUSE, Sophie BOUDIBI, Hélène CABANES, Patrick CHARTIER, Romain CUJIVES, Ana FAURE, Thomas KARMANN, Antoine MAURICE, Albert SANCHEZ – à qui nous souhaitons tous un prompt rétablissement – et moi-même. Et je souhaite excuser le coprésident de ce groupe, Thomas KARMANN, qui est actuellement en déplacement professionnel.

Nous vivons, depuis huit mois, une crise sans précédent et chaque jour arrive avec son lot de mauvaises surprises. Nous sommes toutes et tous encore abasourdis par les dernières annonces du président de la République hier soir, que vous dénoncez sans vraiment les dénoncer. Nous vivons une crise sociale, économique, écologique, sanitaire, une crise qui a d’abord touché les plus précaires et qui atteint aujourd’hui toutes les couches de la population. En termes d’emploi, les chiffres sont accablants. L’Occitanie a perdu près de 50 000 emplois en six mois ; c’est presque autant que le nombre d’emplois créés au cours des deux dernières années. Nous vivons un tournant sans précédent sur l’agglomération toulousaine. Tous les secteurs d’activités sont concernés, l’aéronautique bien sûr, mais aussi le tourisme, le commerce, les bars et la restauration. Le secteur de l’événementiel, vous l’avez abordé, est également impacté. Il représente 6 000 emplois directs et 9 000 emplois indirects dans notre métropole. Malgré des trésors d’imagination et d’innovation, ce secteur ne sait pas comment il va s’en sortir. Nous aurons l’occasion, dans ce Conseil de Métropole, de les accompagner un peu, même si nous savons que ce ne sera pas suffisant si la situation dure trop longtemps.

Et je ne peux passer sous silence, comme cela a été fait par d’autres, la difficulté immense dans laquelle se trouve l’hôpital public, et donc notre CHU. Sans vouloir faire de raccourci trop hâtif, force est de constater que le gouvernement prend des mesures draconiennes qui auraient pu être pour le moins allégées si notre système de santé n’était pas en crise. Nous ne pouvons que regretter le manque de moyens de fonctionnement, et particulièrement en personnel, depuis des décennies, alloués au système de santé. Dans cette période de crise, j’avoue que nous avons été surpris de la visite en grande pompe de plusieurs ministres la semaine dernière. Ce n’est pas le principe de leur venue qui nous a surpris, mais leurs propositions et leurs réponses face aux enjeux actuels. En dehors de la préparation de la catastrophique fermeture des bars, cette visite s’est soldée, c’est positif, par l’annonce de 111 policiers supplémentaires sur la ville de Toulouse d’ici 2021. Mais cette annonce a également ouvert la voie à un redécoupage des zones de police et des zones de gendarmerie avec le risque, cela a été souligné, d’habiller Toulouse et de déshabiller les autres communes de notre métropole. Vous nous avez affirmé le contraire dans votre liminaire mais je crois que nous n’avons aujourd’hui aucune garantie et nous devons être vigilants.

Vous avez certainement attendu, vous-même, en vain, d’autres annonces qui vous semblaient urgentes, comme celle du financement de la troisième ligne de métro. Nous savons, encore plus aujourd’hui, que sa réalisation sera lourdement impactée par la crise. Sans un abondement, nous l’avons déjà dit, d’au moins un milliard d’euros, elle sera reportée aux calendes grecques. Alors, vous nous l’avez précisé, vous vous êtes entretenu avec le ministre, mais pour l’instant l’État ne s’est pas encore positionné. Et que dire de l’opération de communication, presque bien rodée, d’Emmanuelle WARGON qui est venue faire des éloges de la Tour Occitanie, dont on sait, elle aussi, combien elle est à la fois antiécologique et excluante. Si collectivement nous parlons tous de crise écologique, de crise économique, de crise sociale, ne sommes-nous pas dans une crise du système ? Nous le pensons vraiment. Une mise à plat des atouts et des lacunes de notre territoire avec la mise en exergue des enjeux était nécessaire. Vous avez eu une bonne idée de lancer une réflexion pour obtenir un rapport « Toulouse, territoire d’avenir ». Vous avez confié à des personnalités la mission de vous faire des propositions pour l’avenir du territoire toulousain. Ces personnalités sont considérées comme des excellences dans leur domaine et œuvrent depuis de nombreuses années en responsabilité dans la mise en œuvre de politique publique sur ces thèmes. Mais vu l’ampleur et la particularité de la crise, il aurait fallu également, et nous le regrettons, construire un vrai vivier qui aurait agité des idées, créé de la controverse et donné matière à des choix. Là, nous assistons parfois à des débats engagés depuis des années.

Nombre de ces sujets, Monsieur le président, auraient mérité d’être approfondis six mois de plus peut-être, avec un débat élargi à des professionnels non moins experts, des syndicalistes non moins sachants, des citoyens ou des usagers non moins acteurs et avec des élus de tous horizons. Mais ce sera peut-être le cas suite à la proposition qui a été faite par Madame Karine TRAVAL-MICHELET. Je vais prendre quelques sujets évoqués dans le rapport à titre d’exemple. D’abord, le rayonnement scientifique de Toulouse. Nous avons des excellences reconnues dans le monde entier et pourtant nous sommes face à un échec et un enlisement sur l’Idex. La proposition d’un établissement public expérimental d’enseignement supérieur et de recherche autour d’un noyau d’entités volontaires, labellisé et sur des thématiques régionales fortes est une fausse bonne idée. D’abord parce qu’elle n’est pas très originale : elle a été régulièrement dans les débats du ministère de la Recherche depuis une vingtaine d’années. Et cette idée est fondée sur le regroupement des excellences du moment, qui aurait pour conséquence une remise en cause des connaissances à moyen et long terme, en particulier les recherches fondamentales. Et ce sont ces recherches-là qui font le terreau de l’innovation et des filières de demain, et pas l’opportunisme du court terme et du besoin urgent du marché, c’est ce qui fait la force de notre enseignement supérieur et de notre recherche, particulièrement à Toulouse.

Autre thème du rapport, le sujet de l’aéronautique. La véritable question qui se pose sur l’avenir de notre société est bien la mise en perspective de l’aéronautique avec, en particulier, celle des mobilités, notamment internationales. À notre proposition d’organiser les assises de l’aéronautique, vous avez répondu, Monsieur le président, par une confiance au gouvernement actuel et aux expertises de sachants, qui seuls, pouvaient nous dire à quelle sauce nous serions mangés. Et pourtant, de nombreux Conseil de la Métropole du jeudi 15 octobre 2020 Procès Verbal Toulouse Métropole Page 16 sur 87 acteurs, cadres, salariés de l’aéronautique, chercheurs, usagers, citoyens, sont dans la volonté de réfléchir, de s’exprimer, d’innover et de proposer des solutions. Nous reformulons cette proposition et souhaitons, par cette occasion, que les collectivités locales, métropoles, régions, ouvrent des réflexions pour ensuite poser des cadres. L’avion vert est-il un mythe ou sera-t-il un projet réalisable ? Les nouveaux propulseurs et les matériaux vont-ils participer à une diminution très sensible des émissions de gaz à effet de serre ? Quels sont les nouveaux systèmes de mobilité ? Tout peut être envisagé sans clivage dogmatique ou parfois intéressé. Dans ce rapport figure un sujet sur l’emploi. Des propositions sont faites, mais il existe des sujets comme l’énergie, l’urbanisme de demain, le médical, les emplois verts, le numérique, l’alimentation, où des idées générales ne suffisent plus. Nous devons être force de propositions pour la mise en œuvre de ces emplois. Nous vous proposons d’aller plus loin, de mettre tous les acteurs autour de la table pour construire de nouvelles filières avec l’aide des pouvoirs publics. Je pense, notamment, à celle de l’énergie et plus particulièrement celle de l’isolation, en associant par exemple Chambre des métiers, professionnels, bailleurs sociaux et promoteurs.

Si nous prenons le sujet de l’urgence climatique, la réponse dans ce rapport est très chère au « libéralisme macronien », avec toutes les propositions dont on sait qu’elles sont impossibles à réaliser en même temps, surtout si on veut, comme dit le rapport, mettre en adéquation l’offre et la demande. Nous savons que l’urgence, c’est d’offrir une alternative à la voiture avec un RER toulousain, que de nombreux maires présents ici ont appelé de leurs vœux. Enfin, s’agissant de la culture et du rayonnement de notre métropole, nous retrouvons dans ce rapport la proposition de ce fameux événement culturel, qui revient régulièrement depuis des dizaines d’années, et qui donnerait une visibilité et une attractivité à notre région. Mais faut-il, finalement, créer cet événement de toutes pièces, surtout dans la période que nous traversons, ou tout d’abord travailler sur une meilleure visibilité de nos atouts, de nos forces, de nos talents, avec un soutien à celles et ceux qui ont des difficultés à s’exprimer ? Je pense à la danse, l’art de la rue, au cirque, au théâtre, à l’écriture, à la musique. Je pense aussi, bien sûr, à des pépites, comme le laboratoire des arts et de la scène.

Tout ceci peut nous donner à penser à de nouvelles formes à inventer qui fassent de notre métropole un lieu, où la création, le vivre-ensemble, se produire, est accessible pour toutes et tous. Vous l’aurez compris, dans ce contexte de crise, nous devons collectivement être à la hauteur des enjeux qui nous attendent. Notre groupe d’opposition ne restera pas dans une posture politique. Nous sommes prêts à être force de propositions, tout en restant bien sûr fidèles aux valeurs et convictions qui sont les nôtres et que nous défendrons pour relever les défis qui nous attendent.