Propos liminaire introductif du Conseil de Toulouse Métropole du 24 juin 2021 – Hélène Cabanes

Hier, le GIEC, le Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, a publié des éléments de son nouveau pré-rapport qui sera remis à l’automne prochain.

Les conclusions sont plus alarmantes que jamais. Les scientifiques considèrent que le dérèglement climatique va avoir des effets dramatiques bien avant 2050, et cela, même si nous arrivions à réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et enfin respecter l’accord de Paris de 2015.

Le pré-rapport du GIEC liste par exemple les conséquences suivantes : une pénurie d’eau ; un exode massif des populations qui ne pourront plus habiter, en particulier sur les zones côtières ; de la malnutrition. Les scientifiques rappellent que nous devons anticiper les impacts inévitables du dérèglement climatique dès maintenant et prendre des décisions immédiates.

Oui, des décisions immédiates pour tenter de contenir l’augmentation de la température et anticiper, pour moins subir, les changements violents des conditions de vie sur terre. Ces modifications de nos conditions de vie seront inévitables, pour nous-mêmes, nos enfants et nos petits-enfants, et vont avoir un impact sur toutes les espèces animales, végétales, sur tout le vivant.

Les experts poursuivent et donnent cependant une lueur d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir moins sombre en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner cet emballement. Le pré-rapport indique, je le cite : « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernements. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation ».

Face à l’annonce de ces bouleversements d’ampleur, chacune et chacun d’entre nous, dans sa modeste condition d’être humain mortel, accueille différemment ces prévisions inquiétantes et angoissantes. Il est en effet tellement difficile d’appréhender ces changements et compliqué de nous projeter dans un monde si chaotique que nous avons tendance individuellement et collectivement à repousser les échéances, à faire comme si ça n’allait pas se passer, à mettre la tête dans le sable et à se dire finalement « après moi, le déluge. » Oui, ces comportements de réfutation et de déni d’une catastrophe annoncée sont compréhensibles. Oui, ils nous permettent de vivre comme si cela n’allait pas arriver et de nous concentrer sur d’autres choses, sur notre quotidien.

Or, chers collègues membres de cette assemblée de Toulouse Métropole, quelle que soit notre famille politique, je veux croire à la sincérité de notre engagement ici. En tant qu’élus politiques, nous n’avons pas le droit de détourner le regard. Oui, en tant qu’êtres humains, à titre personnel, nous pouvons faire comme si cela n’allait pas devenir, mais en tant que responsables politiques en charge de la destinée de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur ce territoire de Toulouse Métropole, nous n’avons pas le droit de détourner le regard. Nous devons même intégrer cette réalité ici et maintenant, à notre échelle, dans toutes nos décisions.

C’est la raison pour laquelle notre groupe Métropole écologiste et citoyenne pour des territoires solidaires, auquel s’est associé le groupe Alternative pour une métropole citoyenne, a déposé un vœu qui sera débattu à la fin de cette séance sur l’instauration d’un budget vert pour Toulouse Métropole. Cela consiste à décider que pour chaque euro investi par la collectivité, cela contribue soit à lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, soit à nous adapter à ces modifications qui seront inéluctables.

Oui, la tâche est immense. Oui, c’est plus facile et humain de vouloir chacune et chacun continuer dans ses routines, dans ses habitudes qui sont rassurantes, et nous pouvons aussi nous détourner de ces enjeux d’ampleur. Mais cela voudrait dire que notre maison brûle et que l’on regarde ailleurs. Face à ce cri d’alarme que nous envoient de nouveau les scientifiques et suite à l’épidémie de Covid qui a déjà été malheureusement une avant-première édulcorée des situations qui nous attendent, nous en tant qu’élus, sensibles à l’intérêt général, soucieux de l’avis de nos habitantes et habitants, n’avons pas le choix.

Nous devons regarder les choses en face et les affronter. Pour cela, nous nous devons d’agir dès maintenant. Or, beaucoup de délibérations proposées ce jour en Conseil de Toulouse Métropole demeurent dans la lignée de ce qui a toujours été fait, c’est-à-dire de dépenser de l’argent sans réellement prendre en compte les conséquences sociales et environnementales. Pire, dans des projets que nous savons déjà dangereux pour notre avenir. En effet, les décisions prises sont contradictoires.

Par exemple, dans la programmation pluriannuelle des investissements, la PPI, ce document-cadre donne les principaux investissements de 2021 à 2026 pour un montant total de 2,155 milliards, ou 1,8 milliard selon les documents, nous ne savons pas le montant précis. Cette somme est très importante, mais aujourd’hui, dans le contexte que je viens de rappeler, ce n’est pas uniquement la quantité qui compte, mais la qualité. Investir plus de 2 milliards sur notre métropole, spontanément, que pouvons-nous dire ? C’est plutôt une bonne chose, sauf que nous devons savoir en quoi nous allons investir, sur quels investissements. Or, lorsque nous regardons quelques lignes dans le détail, nous voyons la contradiction nous sauter aux yeux. D’un côté, vous inscrivez une ligne plus importante qu’à l’habitude sur le réseau cyclable, même si elle est encore très insuffisante, compte tenu du retard pris, et en même temps on continue à financer les projets autoroutiers de Jonction Est, des études sur le Boulevard Urbain du Canal Saint-Martory, de nombreux projets routiers climaticides.

Cette PPI, quel qu’en soit le montant, devrait être totalement centrée sur la lutte contre les effets du dérèglement climatique et pour préparer nos populations et notre territoire à en subir les conséquences. Nous aurons également, lors de ce conseil, de nombreuses délibérations sur les finances de Toulouse Métropole, et nous voulons une fois de plus vous faire part de notre inquiétude, à la fois sur les finances de Toulouse Métropole et de Tisséo. Toulouse Métropole est endettée, et sans le tour de passe-passe fiscal et financier sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères que l’on a voté lors du précédent Conseil, Toulouse Métropole ne pouvait pas afficher des comptes équilibrés. Vous voulez également endetter Tisséo sur plusieurs décennies avec des prêts in fine sur 20 ans pour la réalisation de la troisième ligne de métro. Et vous anticipez, d’ores et déjà, un problème de financement entre 2025 et 2029 où il resterait encore 116 millions d’euros à trouver.

En outre, nous aurons également à voter sur le pacte de gouvernance qui va expliciter les modalités de fonctionnement entre Toulouse Métropole et ses communes. Or, nous n’avons pas à ce jour élaboré l’un des éléments principaux de ce pacte de gouvernance, à savoir les relations financières et fiscales entre Toulouse Métropole et chacune de ces communes.

Pour terminer, peut-être ne souhaitez-vous pas écouter les propos de la minorité dans cette enceinte, peu importe. Mais sachez qu’il ne sert à rien de tirer sur le messager, les faits sont là.

Donc libres à vous de ne pas croire à nos préoccupations, mais alors prenons en considération celles des scientifiques qui une fois encore alertent, et regardez les décisions des juges qui également vont dans le sens d’une protection de l’environnement et annulent le PLUi-H. Alors, nous vous le disons à nouveau, en tant que femmes et hommes politiques responsables, nous devons toutes et tous nous mobiliser pour relever le plus grand défi jamais proposé à l’humanité, celui d’assurer sa survie sur terre.