Concertation relative au projet d’implantation d’une unité de production du principe actif du paracétamol porté par Ipsophène

Voir le site de la concertation : Registre Numérique Demande d’autorisation, par la société IPSOPHENE, en vue d’implanter une unité de fabrication du principe actif du paracétamol dans un bâtiment désaff

Position du groupe Toulouse écologiste et solidaire – Ville & Métropole

Un projet dont l’intérêt semble évident

  • Contribution à la souveraineté européenne

Nous défendons la réindustrialisation de la France. La production sur notre territoire d’une partie des médicaments que nous consommons est un enjeu prioritaire de santé publique, enjeu majeur rendu visible par les difficultés d’approvisionnement rencontrées lors de la pandémie de Covid-19 en 2020 et après.

Le projet porté par Ipsophène s’inscrit dans cet objectif puisque le porteur du projet ambitionne de produire 4 000 tonnes de principe actif du paracétamol par an, soit environ 40% de la quantité consommé chaque année par les Français. Il convient toutefois de noter que la souveraineté de la France est d’ores et déjà garantie avec la concrétisation de l’usine de Seqens, en cours de construction à Roussillon (Isère)[1]. Cette unité sera en mesure de produire 15 000 tonnes / an de principe actif du paracétamol dès 2026, soit la moitié de la consommation européenne.

Le projet porté par Ipsophène permettrait donc de renforcer la souveraineté européenne s’agissant de la production de paracétamol, mais il n’aurait pas d’incidence directe sur la souveraineté nationale stricto sensu.

  • Un procédé de fabrication innovant

Le procédé retenu par la société Ipsophène est mis en avant comme un procédé innovant qui permettrait de produire le principe actif avec un impact environnemental moindre. Mais ce procédé n’a jamais été mis en œuvre dans une usine de production : à ce stade, beaucoup d’incertitudes demeurent sur la capacité réelle de produire 4 000 tonnes par an. 

Le projet d’Ipsophène générerait une quarantaine d’emplois tout en assurant un impact écologique réduit par rapport aux process de production traditionnels du paracétamol. A noter que le projet porté par Sequens à Roussillon revendique également un impact écologique limité, avec des émissions de CO2 réduites de 75% par rapport aux procédés classiques. L’impact écologique de la production semblerait donc être réduit lorsque celle-ci est relocalisée en France, en comparaison à l’impact de la production actuelle qui est située en Asie.

Par conséquent, nous soutenons ce projet qui s’inscrit dans les objectifs de renforcer la souveraineté européenne en matière de production de médicaments, qui permettrait de créer des emplois et d’assurer une production plus respectueuse de l’environnement.  

Un site d’implantation inadapté

  • Des risques industriels inacceptables pour la population

Nous apportons notre soutien à cette idée et souhaitons que la société Ispophène puisse s’implanter dans l’agglomération toulousaine. Pour autant, nous sommes attachés à une réindustrialisation exemplaire sur le plan environnemental et en matière de gestion des risques industriels. A ce titre, nous alertons sur le site d’implantation envisagé, qui ne réunit pas toutes les conditions de sécurité pour garantir la protection des populations et de l’environnement. 

Ipsophène envisage de s’installer sur le site d’Ariane Group situé sur l’île du Ramier. Il s’agit d’un site classé « Seveso seuil haut » (risque d’explosion), situé en zone inondable (risque de crue de la Garonne) et à proximité de quartiers fortement peuplés (Croix-de-Pierre, Empalot). Dans le cadre de ses activités, Ipsophène aura besoin d’acheminer puis de stocker sur site des matières premières dangereuses telles que le phénol, l’anhydride acétique, l’hydrogène, etc. A ce titre, cette usine de production de paracétamol sera classée « Seveso seuil bas ». Pour nous, il est inacceptable d’installer une activité de ce type sur un site exposé à tant d’aléas et à proximité de zones densément urbanisées.

  • Obstacle juridique

Cette installation n’est à ce jour juridiquement pas possible. Le Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT)[2] en vigueur prévoit l’impossibilité d’implanter de nouvelles activités industrielles sur ce site. Cette interdiction a été introduite à la suite de la catastrophe d’AZF de 2001, qui a eu lieu à seulement 800 mètres de l’implantation envisagée aujourd’hui et dont nombre d’habitants conservent aujourd’hui encore le souvenir douloureux. Après cette catastrophe qui a coûté la vie à 31 personnes et fait au moins 2 500 blessés, l’ensemble de la classe politique avait promis aux habitants traumatisés : « Plus jamais ça »[3]. Ne les trahissons pas.

  • Difficultés d’accès et enjeux liés à la circulation

Le site est enclavé et le fonctionnement de l’usine nécessiterait la circulation de plus de 2 000 camions/an pour l’alimentation en matières premières, l’évacuation des déchets et des produits pharmaceutiques.  

A ce jour, les infrastructures de transport ne permettent pas de faire circuler les camions par un autre accès que le passage sur l’Île du Ramier, cet espace dédié aux sports et aux loisirs ne peut être traversé par plusieurs camions chaque jour sans impacter négativement le projet de « Grand Parc Garonne ». 

Le porteur de projet a évoqué des études pour créer un accès direct par la route d’Espagne, mais la collectivité n’a jamais présenté un projet financé à ce sujet. De fait, la circulation et le transport des matières dangereuses aura lieu au cœur de quartiers densément peuplés.

Conclusion

Le projet porté par Ispophène doit se développer dans une zone industrielle, adaptée aux spécificités de son activité, à l’écart de tout risque d’inondation, d’explosion et d’autres aléas. Le site d’Ariane Group a jusqu’à présent été privilégié pour, semble-t-il, des raisons financières, puisqu’il s’agit d’un site déjà « clef en main », avec peu d’investissements initiaux. Pourtant, d’autres lieux plus adaptés pourraient être envisageables à Toulouse ou dans les communes environnantes. La Région et l’Etat, qui apportent un soutien financier à ce projet, peuvent imposer la recherche d’un lieu alternatif apportant des garanties suffisantes en termes de protection de l’environnement et des populations.


[1] Objectif 2026 pour le paracétamol à Roussillon – ici

[2] https://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/reglement_pprt_herakles_cle0f71ba.pdf

[3] https://www.lemoniteur.fr/article/toulouse-l-urbanisme-en-question-apres-l-explosion-d-azf.301979