PLUi-H : contribution du groupe à l’enquête publique

Contribution du groupe Toulouse écologiste et solidaire – Ville & Métropole

Les objectifs d’accueil sont surestimés

Toulouse Métropole a retenu des objectifs d’accueil élevés, anticipant une croissance de +9.000 habitants/an. Ce scénario semble optimiste, considérant qu’il retient un chiffre supérieur à la croissance observée ces dernières années en moyenne et supérieur aux scénarios de l’INSEE. En effet, l’INSEE a publié le 24/11/2022 trois scénarios démographiques pour la période 2019-20351 :

  • Scénario central : +6900 habitants/an
  • Scénario haut : +8900 habitants/an
  • Scénario bas : +4900 habitants/an

Retenir un objectif d’accueil supérieur aux prévisions relève d’un choix idéologique fondé sur la recherche d’une attractivité excessive et irréaliste. Nous suggérons de retenir un scénario central/haut autour de +8000 habitants/an.

Cela permettrait d’ailleurs d’accueillir la croissance démographique au sein de l’enveloppe urbaine, en limitant au maximum l’étalement urbain. En effet, les études de densification menées par les services de Toulouse Métropole ont identifié le potentiel d’accueillir 63 000 logements et 45 000 emplois sans artificialiser des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Pour nous, la sobriété foncière et la résilience climatique devraient être au cœur du PLUi-H. L’anticipation des impacts du réchauffement climatique sur le territoire devrait nous pousser à davantage de prudence quant à la capacité de la Métropole à accueillir autant de personnes dans de bonnes conditions (chaleur, risque inondation, ressources en eau potable, préservation des zones non artificialisées…).

La cohérence urbanisme / mobilités n’est pas assurée

Une stratégie de densification autour de la future ligne C est envisagée. Celle-ci semble sous dimensionnée notamment dans certains quartiers qui pourraient muter pour accueil des logements et les infrastructures publics adaptées à l’arrivée du métro. Des objectifs de production de logements sont fixés autour de certaines futures stations mais ceux-ci sont incohérents, plusieurs secteurs n’étant pas dotés de tels objectifs. Par exemple, le PLUi-H ne fait que très peu évoluer les règles d’urbanisme autour des futures stations Ormeau, Limayrac et Côte Pavée. En ne donnant pas davantage de constructibilité, notamment en hauteur, la mutation des quartiers dont les fonciers sont fort chers est impossible. L’arrivée du métro devrait pourtant justifier des hauteurs qui permettront au quartier de se densifier. De fait, ces secteurs ne seront que très peu densifiés malgré l’arrivée d’un transport structurant qui devrait entrainer une mutation significative. C’est le cas autour d’autres stations, avec par exemple des constructions qui pourront monter jusqu’à 60m de hauteur autour de la station de métro du Raisin. Aux Sept Deniers, les constructions monteront jusqu’à 24m (OAP Job). Au-delà de la ligne C, d’autres secteurs – certes bien desservis par les transports – vont être fortement densifiés avec des constructions jusqu’à 60m de hauteur à Empalot, 49m sur l’OAP Brouardel – Canal du Midi – Sébastopol, 40m à Barrière de Paris, 30m aux Ramassiers…

Plusieurs quartiers toulousains moins bien desservis en transports en commun vont faire l’objet d’une forte densification. Par exemple, le PLUi-H prévoit une hauteur de construction de 20m aux Pradettes (OAP Bordeblanche), 24m aux Izards et même de 40m à Paléficat, un futur quartier comptant 2880 logements et qui sera très éloigné des centralités et des transports, qui sera d’ailleurs construit dans une logique d’étalement urbain au détriment de terres agricoles et naturelles.

Le développement urbain doit être planifié au regard des enjeux de décarbonation des mobilités

Une limite majeure de ce PLUi-H résulte du contexte dans lequel il a été élaboré. Toulouse Métropole est l’une des métropoles les plus dynamiques et attractives de France mais depuis plusieurs années, son développement se fait hors de tout cadre. Le PLUi-H de 2019 a été annulé par la justice en raison de l’artificialisation excessive des espaces naturels et agricoles qu’il aurait entrainée. Notre territoire ne bénéficie donc plus, depuis plusieurs années, de ce document pourtant structurant qu’est le PLUi-H. Malheureusement, l’absence de planification et de vision politique qui en résulte concerne également les mobilités. Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) élaboré par Tisséo a lui aussi été annulé par la justice. Mis en œuvre, ce Plan aurait placé notre territoire sur une trajectoire de hausse des émissions de gaz à effet de serre résultant des transports, à rebours complet de tous nos engagements locaux (PCAET) comme nationaux (SNBC), des lois françaises et européennes et de nos engagements climatiques internationaux. De fait, l’absence de PDU est problématique dans la conception du PLUi-H. En cours d’élaboration, le futur Plan Mobilités de l‘agglomération ne sera pas finalisé avant 2026. Le PLUi-H de la Métropole devra donc être révisé rapidement pour être mis en cohérence avec le futur Plan Mobilités, dont nous ignorons tout à ce stade.

La grande agglomération toulousaine bénéficie d’un réseau ferroviaire prometteur qui permettra de mettre en place un service express régional métropolitain à brève échéance – sous réserve d’une action politique plus volontariste de la part de la Métropole, de Tisséo et de la Région. Ce PLUi-H aurait pu fixer des objectifs de développement cohérents avec ce réseau ferroviaire, en privilégiant l’accueil d’habitants et d’emplois autour des gares existantes, déjà desservies par le TER et qui, demain, bénéficieront d’un service de type RER avec une desserte cadencée au ¼ d’heure tout au long de la journée. Il s’agirait là de fixer un nouveau paradigme, privilégiant un développement urbain multipolaire adossé au train, à l‘image de nombreuses villes suisses et allemandes. Or, le PLUi-H priorise l’accueil autour des centralités existantes (qu’elles soient desservies par des transports collectifs ou non) et autour de certaines stations de la future ligne C du métro. Cela est positif mais très insuffisant au regard des enjeux de développement démographique et de décarbonation des mobilités auxquels notre territoire doit faire face d’ici 2050.

La protection de la biodiversité et de la nature en ville est insuffisante

Ce nouveau PLUi-H apporte une progression en matière de protection de la nature en ville par rapport au PLUi-H de 2019. Nous notons une progression des surfaces classées en « espaces boisés classés » (3 780 ha  4 207 ha) et des « espaces verts protégés » (397 ha  787 ha). Si cela va dans le bon sens, nous regrettons que l’ambition ne soit pas plus affirmée.

Alors que la Mairie de Toulouse a annoncé la création de 40 nouveaux jardins publics d’ici 2040, l’emplacement de ceux-ci n’apparait pas dans le PLUi-H. Quant aux cinq projets de « Grands parcs » métropolitains, de vastes espaces verts que la Métropole entend conforter et valoriser, ils ne sont pas non plus identifiés dans le PLUi-H. Comment dès lors concrétiser ces projets si aucun foncier ne leur est destiné ?

De même, les trames vertes et bleues existantes ne sont pas réellement confortées. Pour rétablir la biodiversité, nous proposons d’identifier du foncier dédié à leur élargissement et à leur interconnexion. La mise en place d’un coefficient de biotope par secteur peut aussi permettre de préserver et de restaurer les milieux. Par ailleurs, le foncier privé est peu pris en compte alors que ces espaces représentent une surface considérable et sont un support de connectivité et d’accueil de la biodiversité. Des règles peuvent être prévues pour renforcer leur rôle dans cette armature écologique : clôtures permettant le franchissement de la petite faune, prescriptions relatives à la végétalisation et à la couverture du sol, à l’éclairage extérieur…

Sachant que l’objectif de reconquérir la biodiversité devrait être celui qui guide le PLUi-H, il tout d’abord essentiel de préserver les espaces naturels existants. Or, la plupart des projets d’aménagements ne sont pas pensés en fonction du patrimoine végétal présent sur site. Par exemple, l’OAP Brouardel – Canal du Midi – Sébastopol, qui concerne le dernier foncier en mutation du centre-ville toulousain, dans un secteur déjà dense et très minéral, ne compte aucun espace vert protégé et aucun espace boisé classé, pas même le moindre arbre isolé. De même, la forêt de Bouconne, principal poumon vert de la Métropole, n’est pas valorisée dans ce PLUi-H.

Enfin, il est nécessaire de mettre fin à l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Le futur PLUi-H a été élaboré en tenant compte de la loi « Climat-Résilience », ce qui a permis de réduire fortement le nombre de zones à urbaniser (AU) qui représentent 458 hectares, soit une surface trois fois plus faible que dans le PLUi-H de 2019. Pour autant, nous suggérons d’aller plus loin et de réviser la pièce 1C4-C : Carte de la consommation planifiée et autorisée d’ENAF (annexe du rapport de présentation). Cette cartographie distingue du foncier identifié comme des espaces « supplémentaires pour répondre aux besoins d’accueil ». Considérant qu’aucun projet n’est prévu à court terme sur ces espaces et que les études de densification ont confirmé la capacité de la Métropole à accueillir très massivement les nouveaux habitants et emplois au sein des zones déjà urbanisées et à urbaniser, nous suggérons d’intégrer ces espaces à la catégorie « ENAF » pour les préserver.

Le PLUi-H ne va pas assez loin pour garantir des logements abordables et de qualité

Ce nouveau PLUi-H apporte quelques améliorations en matière d’habitat par rapport au document de 2019. Pour la commune de Toulouse, l’abaissement du seuil de déclenchement de construction de logement social à 1000 m2 (contre 2000 m2 précédemment) est une bonne nouvelle et symbolise le revirement de M. Moudenc qui tente désormais de rectifier le tir. Pour autant, de nombreuses communes comme L’Union, Tournefeuille, Cugnaux ou encore Colomiers bénéficient d’un seuil de déclenchement plus bas, dès 500 m2. Nous suggérons de généraliser ce seuil de déclenchement à l’ensemble des communes de la Métropole. Cela est urgent car à Toulouse, et parfois dans les communes de première couronne, les logements ne sont plus abordables pour une part croissante de la population, poussant les jeunes et les familles à s’éloigner toujours plus des centralités.

Le PLUi-H doit nous permettre de corriger ces injustices en assurant à chacune et chacun la possibilité de vivre dignement, dans la commune de son choix, à proximité de son travail, son lieu d’étude et de ses réseaux de sociabilité. Les objectifs fixés en matière de diversité de la production de logements vont dans ce sens, en imposant 35% de logements locatifs sociaux et 25% de logements abordables (accession à la propriété).

Afin de faire de la mixité sociale une réalité du quotidien pour le plus grand nombre, nous proposons d’appliquer les règles relatives à la diversité de l’habitat à l’échelle du palier, c’est-à-dire que les surfaces allouées au logement locatif social et à l’accession à la propriété sont réparties de manière homogène au sein de chaque opération immobilière dans l’ensemble de la Métropole. Cette « mixité au palier » est déjà mise en œuvre, par exemple par la commune de Cugnaux.

Permettre une densification douce dans le respect de l’harmonie urbaine

Dans ce PLUi-H, il est prévu une hauteur de façade de 155m à l’emplacement du projet de « Tour Occitanie ». Nous demandons l’abaissement de la hauteur maximale à 53m, soit la hauteur des plus hauts immeubles déjà existants sur les allées Jean Jaurès à proximité immédiate. En l’état, nous jugeons ce projet de « Tour Occitanie » démesuré et inadapté à l’environnement dans lequel il s’inscrit. De plus, ce projet ne prévoit aucun logement social, ce qui nous semble inacceptable (voir nos propositions pour la mixité sociale au point précédent).

Enfin, ce PLUi-H n’affiche aucun objectif de mutation dans les quartiers pavillonnaires. Nous le regrettons car ces espaces représentent une ressource foncière parfois importante, avec de grandes parcelles qui sont susceptibles d’accueillir des logements supplémentaires, des équipements publics, des commerces… Une densification douce de type “Bimby”, reposant sur la division parcellaire, pourrait enclencher un cercle vertueux dans certains secteurs en facilitant les opérations de rénovation de l’habitat pavillonnaire vieillissant et en justifiant le développement de nouveaux équipements et services bénéficiant à la population.

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Michèle BLEUSE, Sophie BOUBIDI, Hélène CABANES, Patrick CHARTIER, Romain CUJIVES, Isabelle HARDY, Thomas KARMANN, Antoine MAURICE, Philippe PERRIN

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