Manque de transparence sur les finances et le budget – Michèle Bleuse – Conseil du 1er avril 2021

Vous l’avez précisé, Monsieur le président, il s’agit de différentes délibérations et mon propos, au nom de notre groupe, sera sur les trois délibérations si vous le permettez, la 4.2, la 4.3 et la 4.4, puisque nous considérons que ces trois délibérations sont liées. En effet, ces trois délibérations qui traitent du taux du foncier métropolitain, du taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, et ensuite du rapport de la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférées (CLECT) qui fixe les attributions de compensation de la Métropole en direction des 37 communes, constituent pour nous les trois volets d’un tour de passe-passe fiscal et financier.

Un tour de passe-passe qui se déploie en deux points, ce que vous affichez et ce que vous n’affichez pas, et on a envie de dire « ce que vous cachez. » En effet, d’une part l’exécutif métropolitain raconte aux habitants que les taux de la TEOM sont harmonisés et que cela est réalisé dans une, et je mets des guillemets, « neutralité fiscale », avec la fixation d’un taux pour tous à 8,10. Ça, c’est ce qui est raconté. C’est l’histoire, effectivement, véhiculée dans toute la métropole. Et puis, il y a le côté caché, d’autre part, ce que volontairement vous oubliez d’expliquer aux habitants.

Et puisque Monsieur BRIAND a fait mention de propos délivrés au conseil municipal de Toulouse, je me permets de le citer. Monsieur BRIAND, sur ce sujet-là, voté en conseil municipal de Toulouse, a dit : « Cette mécanique est totalement illisible et totalement incompréhensible pour les habitants de Toulouse et de la métropole. » Permettez-moi un commentaire, quel mépris pour les habitants, d’autant plus méprisant que le consentement à l’impôt est quand même lié à la bonne compréhension des décisions effectivement prises par les exécutifs. Les réelles explications, ce qui n’a pas été dit aux habitants pour l’instant, c’est que d’une part, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères doit baisser globalement de 15 millions d’euros parce qu’un trop-perçu de TEOM serait juridiquement attaquable. Le budget ordures ménagères a l’obligation d’être voté sans excédent. La TEOM est une taxe affectée et ce n’est pas un impôt comme les autres. Deuxième volet caché de ce tour de passe-passe fiscal et financier, c’est par le jeu de la baisse des taux communaux de foncier et de la hausse des taux métropolitains de foncier, les impôts métropolitains augmentent, de fait, de 15 millions d’euros, soit le différentiel entre les +85 millions d’euros de recettes à la Métropole moins 70 millions d’euros dans les communes que vous projetez de compenser, c’est l’objet de l’une des délibérations portant sur les attributions de compensation.

Ce tour de passe-passe fiscal et financier confisque donc la baisse de TEOM des contribuables, mais en plus, des contribuables des communes où les taux sont les plus élevés actuellement, au profit de nouvelles recettes fiscales 2021 pour la Métropole. Et j’ai envie de donner des exemples, parce qu’on a toujours parlé globalement. Quand on regarde un peu en détail, ligne par ligne, et je citerai des communes avec lesquelles j’ai une affinité particulière. La commune de Tournefeuille, qui est l’une effectivement de celles qui payent aujourd’hui 15,20 % de TEOM, va être impactée par cette confiscation. Les contribuables de cette commune, les plus contributeurs à cette augmentation des impôts de 15 millions d’euros à la métropole, vont contribuer pour environ 2,4 à 2,5 millions des 15 millions d’augmentation de la Métropole. Colomiers, à l’identique. Toulouse, effectivement, qui a un taux actuel de TEOM assez bas, contribue par habitant beaucoup plus faiblement.

Donc, nous, nous considérons que ce tour de passe-passe fixe un déséquilibre contributif qui est illégal à l’origine, il faut qu’on se le dise. Et si nous sommes obligés d’expliquer cela, c’est aussi, Monsieur MOUDENC, Monsieur BRIAND, parce que vous avez trouvé indispensable en conseil municipal de Toulouse d’expliquer que votre minorité votait contre la neutralité fiscale. Eh bien ce n’est pas ça, Monsieur. Les élus toulousains et aujourd’hui métropolitains de votre minorité ne peuvent pas valider ce tour de passe-passe. Nous ne pouvons pas nous rendre comptables de cela. Je n’oublie pas que vous savez ressortir nos votes historiquement à chaque fois que vous voulez nous mettre en cause. Nous ne pouvons pas nous rendre comptables, j’ai envie de dire complices, de ce tour de passe-passe. Et c’est pour ça que nous ne voterons aucune de ces trois délibérations.

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Vous avez présenté, donné quelques éléments sur la 4,3, c’est particulièrement intéressant en effet parce que, dans la 4.3, il est mentionné quelque chose de spécifique, à savoir, par ce mécanisme, le mécanisme global acté dans le rapport de la CLECT, Toulouse Métropole donne la possibilité à ses communes membres de diminuer leur taux de taxe foncière. Elles ne sont pas obligées. Si les communes veulent entrer dans ce que vous vous appelez la neutralité fiscale et qui pour nous est un tour de passe-passe, elles peuvent le faire. C’est vrai que ça aurait été intéressant de savoir, à l’heure où nous allons voter, où vous allez voter puisque nous ne les voterons pas, ces attributions de compensation, est-ce que des communes ont souhaité se fixer strictement au taux de foncier communal préconisé par la CLECT ? Est-ce que certaines ne les baissent pas ou les baisseront moins que prévu ? C’est quand même quelque chose d’intéressant, parce que ça voudrait dire, effectivement, qu’en plus de subir une hausse du foncier métropolitain, certains contribuables vont subir une hausse du foncier communal. Ça peut s’expliquer, et d’ailleurs tout à l’heure quand nous parlerons du budget, messieurs, oui nous aurons des explications sur l’obligation qui est faite à la Métropole d’augmenter ses impôts.

Donc, non, Monsieur BRIAND, nous ne supportons pas que vous continuiez à répéter, comme un mantra « il s’agit de neutralité fiscale. » Je faisais partie de la commission Finances du mandat précédent. Ce n’est pas la première fois qu’en commission Finances on nous dit : « nous devons baisser la recette de la TEOM. » On en a parlé au moins dans deux commissions Finances du mandat précédent. Et je suis obligée de le dire à tous mes collègues, ceux qui n’assistent pas à la commission Finances, à chaque fois, Monsieur BRIAND vous demandez aux fonctionnaires d’arrêter de prendre des notes pour que rien ne soit inscrit au compte-rendu de ces commissions. Donc, oui, la baisse de la TEOM, de la collecte de la TEOM, est une obligation qui s’impose à nous. Vous avez décidé de mener l’harmonisation et la baisse maintenant. C’est une opération qui aurait pu être menée seule. On aurait pu ne voter que la baisse de TEOM et son harmonisation, mais parce qu’il y a d’autres raisons dont nous parlerons au moment du débat sur le budget, vous avez décidé d’augmenter les impôts métropolitains.

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Je veux dire aussi avant de commencer que, comme Madame TRAVAL-MICHELET, j’ai l’impression que vous avez par avance décrédibilisé les propos de vos contradicteurs. C’est dommage, on est là pour débattre, j’espère que vous répondrez tout de même a posteriori si vous le souhaitez. Il a été dit que la dette n’explosait pas, mais qui a dit que la dette explosait ? Le constat que nous faisons, c’est que la dette a énormément augmenté dans le mandat précédent, et que ce constat, nous le faisons depuis ce début de mandat. Sur le mandat précédent, la dette a été multipliée par deux et les échéances, c’est-à-dire, pour parler simplement, le remboursement des intérêts et du capital, a également été multiplié par deux. Alors effectivement, quand on est dans une situation avec de l’épargne, quels que soient les niveaux, cela permet tranquillement de faire face aux investissements et au remboursement de la dette et, oui, la situation peut sembler claire. Vous décrédibilisez d’office les remarques du Codev mais j’espère que vous ne décrédibiliserez pas celles de la chambre régionale des comptes. Je rappelle que la chambre régionale des comptes a analysé le précédent mandat, de mémoire sur la période 2014 jusqu’à 2019, et a produit un rapport dont la conclusion était la suivante : « La hausse rapide des annuités d’emprunt, associée à la diminution de la capacité d’autofinancement brute entre 2016 et 2018, ont ainsi rapidement tendu la situation financière de la Métropole, les marges de manœuvre… »

Les marges de manœuvre, c’est ce dont nous parlons aujourd’hui dans ce budget, « les marges de manœuvre de Toulouse Métropole s’amenuisent. Elle ne peut plus mobiliser le levier fiscal, ses produits de cession sont relativement faibles, la charge de la dette augmente rapidement et l’évolution de ses dépenses de fonctionnement est déjà en partie maîtrisée. » Souvenez-vous, dans le précédent mandat, de la contractualisation. Donc oui, aujourd’hui, le constat que nous faisons à ce budget primitif que vous portez au vote, la présentation que vous en faites, c’est celui de la fragilité structurelle de la Métropole. Et nous, nous voulons tirer tous les fils. Pourquoi l’endettement a été multiplié par deux dans le mandat précédent ? On est obligés, Monsieur BRIAND, de rappeler des éléments qu’on avait déjà cités dans cette instance. Nous avons eu une PPIM 2014-2020 extrêmement importante. Nous ne nions pas qu’il faille investir, mais nous demandons de pouvoir arbitrer. Quels investissements, pour quelle utilité ? Et nous devons aujourd’hui nous pencher sur l’utilité des investissements que vous avez faits hier, qui ont à ce point endetté la Métropole, et qui la mettent à ce point en situation de fragilité.

Madame TRAVAL-MICHELET, vous avez raison, vous posez les bonnes questions. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Mais de fait, il y a déjà une décision qui a été prise. C’est celle qui a été votée ce matin avec le triptyque des trois délibérations sur la TEOM. La première décision qui a été prise, c’est d’augmenter les impôts de la Métropole de 15 millions d’euros. Et grâce à cela, on arrive effectivement à pouvoir, a priori dans une séance ultérieure, annoncer un minimum d’équilibre. Donc oui, la première décision fiscale et financière a été prise. Et ce qui nous surprend, c’est quand Monsieur CARLES nous explique que tout cela est compris dans un pacte d’orientations déjà signé. Parce que quand on lit le pacte de gouvernance voté dans certaines communes et qui est reporté au Conseil de juin à la Métropole, on y lit quoi ? On y lit au détour d’un article qu’un pacte financier et fiscal sera élaboré courant 2021. Quand on lit le rapport de la chambre régionale des comptes, on y lit quoi ? Qu’il n’y a pas de pacte fiscal et financier et qu’il est nécessaire d’en élaborer un. Donc effectivement, nous revenons sur des façons de fonctionner qui ne nous semblent pas suffisamment transparentes pour que tous les élus de ce Conseil de Métropole puissent comprendre ce qui se passe, ce qui se joue, en effet.

Ensuite, un autre volet a été débattu par les différents intervenants avant nous, c’est la problématique de la qualification de cette crise. Est-ce une crise structurelle ou conjoncturelle ? Lors du débat d’orientations budgétaires, nous vous avons dit que nous pensions qu’il s’agit d’une crise structurelle. Plus jamais nous n’aurons le même budget qu’avant la pandémie. Nous sommes effectivement contraints par des évolutions structurelles. Et comme c’est la durée qui fait que ce soit conjoncturel ou structurel, nous devons tous intégrer que les impacts vont avoir lieu sur la totalité de notre mandat. Nous ne pouvons pas faire comme si dans deux ans, ça va aller mieux et qu’on pourra revenir aux montants d’investissements du mandat précédent. Ce serait irresponsable de faire comme si la situation était uniquement conjoncturelle. Monsieur BRIAND, quand vous brandissez la notation, mais enfin, j’ai envie de vous rappeler, moi qui m’intéresse de temps en temps au secteur bancaire, que juste avant la crise de 2008, toutes les banques, dont certaines ont fait faillite, étaient très bien notées. Donc, ne brandissez pas une note à un temps T, ça n’augure de rien, ni de la solidité ni de la fragilité financière d’une entreprise ou d’une collectivité.

Ensuite, vous programmez des investissements sur l’année 2021, je rejoins certains propos qui ont été posés aujourd’hui à ce sujet-là. Par contre, nous comprenons que la PPIM, ça a été dit en commission des finances, sera votée lors du prochain conseil métropolitain, c’est-à-dire au mois de juin. Il est donc extrêmement complexe de se projeter aujourd’hui tant sur le montant de cette PPIM, que vous voulez au même niveau que celle du précédent mandat, que sur les arbitrages et vous êtes donc obligés effectivement de prendre le temps d’en discuter. C’est pour ça qu’on veut vous rappeler ce que nous avons dit lors du débat d’orientations budgétaires, et qui n’est pas inscrit dans le pacte de gouvernance que vous proposez, c’est : « Comment vont être faits les différents arbitrages ? En quels lieux vont être faits les arbitrages ? Suivant quels critères, quelles modalités et suivant quelles harmonisations territoriales ? ». Ce sont des éléments comme d’autres, comme le fameux pacte d’orientations qui serait déjà signé d’après Monsieur CARLES, que nous ne connaissons pas. Et nous, élus métropolitains, nous avons besoin de ces éléments-là pour pouvoir voter de manière éclairée.

C’est pour tous les éléments que je viens de vous délivrer que nous ne pourrons pas, encore moins que d’habitude, voter ce budget, parce que nous pensons que ni la façon de le présenter, ni son contenu, ne sont responsables. Je voudrais juste rappeler un petit point de méthode, quand même. Parce que nous venons en commission des finances pour pouvoir essayer de comprendre. Être obligé, en commission, de réclamer le document commenté, se le voir adresser après avoir dû le réclamer et n’avoir le document définitif que dans l’après-midi qui suit la commission, ce n’est pas une façon correcte d’échanger. Ce ne sont pas des façons de travailler. La page qui prévoit ce qui est commenté par nous tous ici, c’est-à-dire un budget primitif avec réintégration de la confiscation des 15 millions de TEOM en foncier métropolitain, et effectivement une « projection de CA », c’est la première fois, je rejoins d’autres intervenants, que vous nous faites une projection du compte administratif pour pouvoir justifier d’un certain nombre de choses. Ce n’est pas correct non plus, donc nous ne voterons pas ce budget primitif et toutes les délibérations associées.

(…)

Je ne vais pas relancer le débat, mais puisque nous sommes interpellés il est nécessaire que nous répondions. D’abord, une ou deux questions quand même, parce que toutes nos questions n’ont pas trouvé de réponse. Je souhaiterais que vous portiez à connaissance de tous les élus métropolitains le, je cite, « pacte d’orientations déjà signé ». À notre connaissance, le pacte de gouvernance est à l’ordre du jour du prochain conseil métropolitain et le pacte fiscal et financier est en cours d’élaboration. Donc nous, nous attendons cela, sauf à penser qu’il s’agit d’un pacte confidentiel secret, nous ne pouvons le penser.

Ensuite, effectivement, vous avez pour habitude, Monsieur BRIAND, de caricaturer les positions de vos contradicteurs, en particulier quand il s’agit d’écologistes. Vous devez vous sentir particulièrement mal à l’aise sur ces thématiques pour ainsi nous attaquer régulièrement. Nous n’espérons pas les crises, nous n’espérons pas qu’elles soient structurelles, Monsieur, mais nous avons les yeux grands ouverts et nous voyons la réalité sociale, économique et environnementale de notre pays, et de la planète entière. Et très sincèrement, Monsieur BRIAND, et c’est là personnellement que je vous le dis, le fait de dire très tranquillement à nos concitoyens, aux habitants de la métropole – et je prendrai des références de cinéma comme mes collègues, mais les miennes sont peut-être un peu différentes – comme le serpent dans « Mowgli » : « Aie confiance ! », ça ne fonctionne pas. Les habitants sont des adultes, vous devez leur parler en responsabilité, et oui, ils peuvent entendre que c’est compliqué et que nous, en tant qu’élus, on va assumer ces responsabilités. Or, vous n’assumez pas, en parlant comme vous le faites, vos responsabilités.

Juste un petit focus, Monsieur MOUDENC, sur l’endettement. Je n’avais pas prévu de le faire, mais je souhaite poursuivre et livrer quelques citations de la chambre régionale des comptes. « Si l’encours du budget principal et des budgets annexes est tout à fait soutenable au vu de la capacité d’autofinancement dégagée par le budget principal, c’est-à-dire à celui de 2019, son niveau est multiplié par trois en intégrant l’encours des principaux satellites, dont Tisséo Collectivités, et apparaît de ce fait beaucoup plus délicat à assumer. » Quand on connaît les précautions sémantiques de ceux qui rédigent ces rapports, on sait ce que cela veut dire. Il est aussi écrit en conclusion, au dernier paragraphe, si vous voulez le retrouver, « la capacité de Toulouse Métropole à maintenir un niveau d’investissement équivalent à celui du cycle 2014-2019, » c’est ce que vous nous annoncez vouloir faire, « dépend de sa capacité à maintenir la dynamique. »

Effectivement, entre-temps, il y a eu la crise, conjoncturelle ou structurelle, suivant les appréciations. « La réforme fiscale en cours et les effets de la crise du Covid-19 risquent, » c’est gentiment dit, « d’infléchir la dynamique de la métropole toulousaine à un niveau encore largement incertain. » Et s’il y a un constat qu’on peut faire ensemble, au moins un, c’est la fragilité bilancielle de la Métropole et de la Métropole consolidée. Alors oui, les incertitudes qui sont devant nous nous obligent effectivement à de la responsabilité et à de la précaution sur les décisions que nous prenons.