Après un rappel du contexte et de l’historique de ce projet, par mon collègue Romain Cujives, venons-en à l’objet de la délibération de ce jour, qui porte exclusivement sur l’enquête environnementale de la 3ème ligne de métro.
Dès lors que l’on propose la construction d’un transport en commun structurant, comme le métro, cela devrait permettre aux habitantes et habitants de délaisser leur véhicule et de contribuer ainsi à la fois à la diminution de la pollution de l’air et à la réduction des gaz à effet de serre. Cependant, la construction d’une si grande infrastructure apporte aussi son lot d’émission de GES et de dégradations environnementales. Il s’agit ici de bien étudier objectivement et sincèrement les avantages et les inconvénients en matière environnementale et de santé publique, afin de s’assurer que la balance entre les avantages et coûts environnementaux penche du côté des bienfaits. Oui à la réalisation d’une ligne de métro mais pas que et surtout pas à n’importe quelles conditions, à n’importe quel prix et en produisant un saccage environnemental. C’est tout l’objet de cette enquête publique que de constater les impacts environnementaux d’une telle construction.
Aujourd’hui, dans le contexte criant de dérèglement climatique, de crise environnementale et de perte de biodiversité, nous devons, avant d’entamer tous travaux, prendre en considération l’intégralité des impacts environnementaux de nos projets et en particulier d’un chantier pharaonique comme celui de la construction de la 3ème ligne. Il s’agit d’évaluer toutes les conséquences induites sur le milieu de vie auquel appartient la faune, la flore et nous-mêmes.
En matière environnementale, nous ne pouvons plus nous permettre de faire de l’à peu près ou de jouer aux apprentis sorciers, nous l’avons déjà trop souvent fait, depuis trop longtemps avec négligence et nous en subissons déjà les conséquences qui ne vont aller qu’en s’aggravant. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous devons plus que jamais relever notre niveau d’exigence en matière de protection de l’environnement et de santé publique. La construction d’une telle infrastructure doit permettre d’éviter les conséquences environnementales néfastes, dès lors qu’il y a une vraie volonté politique. Il ne s’agit plus de prendre comme boussole exclusivement le temps gagné ou l’argent économisé, au détriment de notre environnement et de notre milieu de vie.
Et pourtant que constate-t-on dans le dossier d’enquête publique ? Des approximations, des incohérences et un manque d’anticipations qui renforcent nos inquiétudes. Nous considérons que les réponses apportées ne sont pas du tout au niveau d’un chantier aussi ambitieux que le creusement de plus de 21 km de souterrain…
Nous illustrons ces approximations et incohérences au travers de 4 exemples, que nous souhaitons mettre en lumière :
- La gestion des déblais
Les informations concernant le stockage temporaire, le tri et le choix des destinations des matériaux ne garantissent pas que les différentes installations soient à même d’accepter l’ensemble des déblais qui sortiront du chantier.
La stratégie logistique qui sera mise en œuvre n’est pas suffisamment explicite pour permettre de s’assurer que les déblais ne seront pas des facteurs de pollution, ailleurs dans d’autres territoires et d’autres communes (rurales), notamment de pollution de nappe phréatique, enjeu majeur de santé publique. Le dossier se limite à des généralités et des intentions qui ne permettent pas du tout de répondre aux exigences en la matière, alors que l’Autorité environnementale vous a demandé des précisions sur ce point particulier de la gestion des déblais. Tisséo reporte sa responsabilité légale sur ses prestataires, sociétés privées qu’elle aura choisies.
- Protection des nappes phréatiques et des cours d’eau
5 tunneliers sont prévus et les méthodes d’extraction des déblais sont laissées à la libre appréciation des prestataires privées ; rien ne les oblige à choisir la technique la moins polluante. La projection de fluides polluants qui permettent l’extraction souterraine pollue à la fois les terres excavées mais aussi, les nappes phréatiques sur place et celles où seront déplacées les déblais, alors souillés. Il est particulièrement choquant que le maître d’ouvrage ne prévoie aucun plan de surveillance des nappes phréatiques.
- L’abattage d’arbres
Les mesures de compensation des abattages d’arbres sont insuffisantes. Tisséo prévoit un ratio de deux arbres plantés en contrepartie d’un arbre abattu, soit la plantation de 5.000 arbres.
Abattre un vieil arbre qui apporte d’importants bienfaits en termes de paysage, de réduction des îlots de chaleur, de captation de CO², de bien-être pour les animaux ne peut pas être compensé par la plantation de 2 petits, qui ne porteront leurs effets potentiels que bien des années plus tard. Le principe du « 2 arbres plantés pour un abattu » ne correspond qu’à une gestion quantitative de l’arbre et non qualitative.
Le projet ne respecte même pas les préconisations de la « Charte de l’arbre » que la municipalité toulousaine s’est elle-même donnée et qui a été votée en 2019.
De plus, les mesures dites de « compensation » des destructions d’habitats naturels restent des alibis, pour saccager des habitats naturels, comme par exemple les zones humides des berges de l’Hers, qui seront détruites.
- Le bilan des GES : il y a des incohérences concernant le bilan GES du projet proposé par Tisséo, avec une sous-estimation des émissions induites par la construction d’une part et une sur-estimation des émissions de GES évités par la population qui délaisserait la voiture au profit du métro, d’autre part.
Faute d’information adéquate, le public ne peut pas se prononcer sur un projet dont on ne lui aurait donné que des éléments partiels uniquement en soutien des choix du maître d’ouvrage, à savoir Tisséo. Il est de la nature même de l’enquête de fournir une information honnête à même de permettre au public de se former une opinion. Ce n’est visiblement pas le cas.
Enfin, comme vous avez refusé l’hypothèse de l’utilisation des voies ferrées et voies fluviales pour déplacer les déblais et donc que l’option majoritaire se fera par la route, nous craignions pendant la période de travaux, que le bruit, le trafic des poids-lourds portent fortement préjudice aux populations vivants à proximité des chantiers et des routes empruntées. Cela est insuffisamment pris en compte dans le dossier présenté et rien ne semble prévu pour en atténuer les effets. Nous ne pouvons pas construire un métro en 2022, selon les mêmes méthodes et techniques que celles adoptées pour la ligne A, en 1993.
En conclusion et compte-tenu :
- de l’absence d’informations satisfaisantes et complètes sur la gestion et le traitement des déblais,
- du manque d’ambition dans la protection des nappes phréatiques et des cours d’eau,
- De l’insuffisance des compensations prévues pour l’abattage des arbres,
- De l’incohérence, voire, nous osons le dire la fourniture de chiffres biaisés sur le bilan de gaz à effet de serre
- des doutes importants que nous avons quant à la véracité des données fournies par Tisséo dans l’enquête environnementale, ne permettant pas au public de se faire une opinion juste et impartiale des conséquences de la construction de la 3ème ligne ; nous émettons un avis défavorable sur l’enquête environnementale et demandons à ce qu’elle soit retravaillée à l’aide d’experts indépendants.
Voir l’intervention complémentaire de Romain Cujives : Dossier d’autorisation environnementale de la 3ème ligne de métro – Romain Cujives – Conseil municipal du 8 février 2022 – elus-ecolocitoyens-toulousemetropole